L'ancien patron de la société d'investissement Wendel (PA:MWDP), Jean-Bernard Lafonta, a été condamné lundi à 1,5 million d'euros pour diffusion d'informations trompeuses et délit d'initié.
Cette peine, prononcée par la 32e chambre du tribunal correctionnel de Paris, est conforme aux réquisitions du parquet.
L'avocat de Jean-Bernard Lafonta, Me Antonin Lévy, a annoncé à l'AFP avoir immédiatement fait appel.
"Le tribunal a cherché à tout prix à condamner, en tordant la vérité, en tordant les chiffres, au mépris du droit, au mépris des faits", a estimé l'avocat.
Au cœur de ce dossier: la publication le 27 mars 2009 d'un actif net réévalué (ANR, un indice de la valorisation d'une entreprise consistant à calculer la valeur de ses actifs) de 22 euros par action. Cet indice, calculé sur la base du cours des 20 dernières séances de Bourse, l'avait été à la date du 6 mars, et non du 25 mars. S'il l'avait été à cette date, l'ANR annoncé aurait alors été de 14,80 euros.
Pour l'accusation, le chiffre de 22 euros n'était certes pas faux, mais trompeur, dans la mesure où la date de référence au moment de la publication n'était pas précisée, et ce dans un contexte de forte volatilité des marchés financiers.
Deux semaines après la publication de cet ANR, M. Lafonta, considéré comme un virtuose de la finance, vendait ses 488.167 actions, pour quelques millions d'euros.
Le tribunal a considéré qu'il avait réalisé un profit de 1,4 million d'euros, chiffre contesté par M. Lafonta et sa défense. A l'audience, il avait expliqué avoir subi "une perte assez importante".
Après avoir occupé pendant cinq années la présidence du directoire, il avait ensuite quitté Wendel, dans un climat de crise, au moment de la montée au capital du groupe dans Saint-Gobain (PA:SGOB).
C'est la première fois que la justice jugeait un dossier où il est question d'un ANR.
A la barre, M. Lafonta avait soutenu qu'un ANR de 15 euros aurait "trompé l'investisseur non averti" et que "la date n'a pas d'importance".
Cette affaire trouve sa source dans une plainte en 2012 de l'ancien directeur du groupe, Arnaud Desclèves. Ce dernier y estimait que M. Lafonta aurait vendu ses actions Wendel "à un prix bien supérieur à ce qu'il aurait dû être".
Il demandait un euro de dommages et intérêts, mais sa constitution de partie civile a été déclarée irrecevable.
"On cherchait une décision de principe pour illustrer la duplicité dont fait preuve M. Lafonta en matière financière", a néanmoins indiqué Me Alexandre Merveille, l'avocat de M. Desclèves, "duplicité qui l'a mené à utiliser ses propres salariés comme boucliers fiscaux humains dans l'affaire Solfur".
Dans cet autre dossier, qui porte sur une fraude fiscale présumée qui se chiffrerait en dizaines de millions, le parquet national financier a requis récemment le renvoi en correctionnelle d'ex-responsables de la société Wendel, dont M. Lafonta et l'ancien patron des patrons, Ernest-Antoine Seillière, et de la banque JP Morgan Chase.
La banque est soupçonnée d'avoir participé à l'élaboration d'un montage ayant permis à quatorze dirigeants et cadres de Wendel d'éluder des sommes considérables au fisc.