par Drazen Jorgic
ISLAMABAD (Reuters) - Le Pakistan tente d'attirer des constructeurs automobiles tels que Renault (PA:RENA) et Nissan (T:7201) grâce à des droits à l'importation attrayants mais les convaincre de bâtir des usines sur place n'est pas aisé au vu des doutes entourant la stabilité politique et la sécurité du pays.
Le Pakistan veut remodeler un marché de l'automobile dominé par des constructeurs japonais tels que Toyota (T:7203), Honda et Suzuki, dont les voitures montées sur place sont vendues à un prix relativement élevé tout en étant dépassées techniquement par les véhicules importés.
Pour ce faire, le gouvernement doit convaincre les industriels que le pays a tourné la page d'une décennie de troubles économiques et d'attaques en série des taliban pakistanais.
Le Pakistan jouit de sa plus forte croissance économique depuis huit ans, sa monnaie est stable face au dollar et les taux d'intérêt n'ont jamais été aussi bas depuis 42 ans, autant d'arguments à présenter aux investisseurs internationaux pour les dirigeants d'un pays de près de 200 millions d'habitants.
"Nous pensons qu'un ou deux investisseurs étrangers viendront au Pakistan", assure Miftah Ismail, président du Board of Investment du Pakistan. Il dit avoir eu des discussions avec Renault et son partenaire Nissan. Il a également rencontré des responsables de Fiat Chrysler Automobiles en avril et a eu des entretiens avec Volkswagen (DE:VOWG_p).
De source proche de Renault, on reconnaît que le Pakistan, entre autres pays, est à l'étude pour un investissement dans la production, mais que les discussions ont tout juste commencé. Renault, dans un courriel, précise qu'il n'y a aucune annonce à faire pour le moment. Jonathan Adashek, porte-parole de Nissan, a déclaré : "Le Pakistan est certainement un marché intéressant pour nous", ajoutant que rien n'avait encore été décidé.
Malgré tous les avantages proposés, le Pakistan aura du mal à sceller des accords en raison d'une stabilité politique remise en question par des putschs en série, réussis ou avortés, depuis l'indépendance du pays.
En outre, la menace d'attaques d'insurgés opposés au gouvernement d'Islamabad, les taliban en particulier, reste élevée, en dépit de l'engagement de l'armée depuis des années.
DU POTENTIEL
"Il y a du potentiel au Pakistan, c'est indubitable", dit Puneet Gupta, associé du consultant IHS Automotive. "Mais on a vraiment le sentiment que, à moyen et long terme, le Pakistan n'est pas dans une condition de relative stabilité."
Les investisseurs risquent aussi d'être dissuadés par un marché de l'automobile qui n'a représenté que 180.000 véhicules vendus durant l'exercice 2014-2015. L'Inde voisine absorbe plus de deux millions de voitures particulières par an.
"Le marché pakistanais n'est pas assez grand", résume Mumshad Ali, président de la Pakistan Association of Automotive Parts. Selon lui, la nouvelle politique du gouvernement n'est pas assez énergique pour attirer de nouveaux constructeurs et elle ne propose pas de moyens d'augmenter la demande, par le biais de la fiscalité indirecte par exemple.
Les associés locaux de Suzuki, Toyota et Honda n'ont pas répondu aux sollicitations de Reuters.
Mais selon Mumshad Ali, ils n'apprécient guère qu'Islamabad courtise d'éventuels nouveaux venus, estimant qu'ils pourraient être pareillement encouragés à construire de nouveaux sites et à moderniser les usines existantes.
Miftah Ismail a dit que les nouveaux investisseurs pourraient importer les machines destinées aux usines sans droits de douane. Les droits sur les pièces détachées importées seraient fixés à 10%. Ils sont de 30% pour les constructeurs déjà implantés.
Certains Pakistanais se plaignent des prix élevés et de la qualité des voitures produites localement qui souvent sont dépourvues d'airbags, de système anti-blocage ABS et d'autres caractéristiques devenues la norme ailleurs.
La voiture la moins chère, la Suzuki Mehran, vaut 650.000 roupies (5.400 euros), soit le double environ du prix du modèle comparable vendu en Inde.
(Wilfrid Exbrayat pour le service français, édité par Tangi Salaün et Gilles Trequesser)