Un tunnel construit en pleine jungle amazonienne mène à Fruta del Norte, l'un des gisements miniers sur lequel l'Equateur mise pour compenser la chute des cours du pétrole, au grand dam des écologistes et des indigènes.
Le pays sud-américain bénéficie d'un sous-sol riche en or, argent et cuivre, tout comme la Colombie, le Pérou et le Chili.
Mais contrairement à eux, le plus petit membre de l'Organisation des pays exportateurs de pétrole (Opep) a toujours préféré se concentrer sur ses ressources pétrolières, négligeant son activité minière, jusque-là restée artisanale voire clandestine dans de nombreux cas.
Désormais il doit changer son fusil d'épaule: la baisse prolongée des prix du pétrole a plongé l'Equateur en récession et le gouvernement du président Rafael Correa a décidé de faire de l'extraction de métaux à grande échelle un secteur stratégique - tout comme le tourisme - pour l'avenir économique du pays.
"L'industrie minière nous permettra d'avoir une autre source de richesses et sera à moyen terme l'une des principales sources de revenus et d'exportations pour le pays", a affirmé la semaine dernière le ministre coordinateur des Secteurs stratégiques, Rafael Poveda.
Cinq grands projets sont prévus dans le sud du pays : trois d'entre eux, Mirador (cuivre, du chinois Ecuacorriente), Rio Blanco (or, du chinois Junefield) et Fruta del Norte (or, du canadien Lundin Gold) commenceront à produire entre 2018 et 2020.
Les deux autres, Loma Larga (or, du canadien INV Minerals) et San Carlos Panantza (cuivre, de groupe China Explorcobres) sont encore en phase d'exploration.
"L'Equateur vivait de manière très confortable avec les revenus pétroliers, et donc d'une manière ou d'une autre la question minière a toujours été mise de côté. C'est le bon moment pour développer ce secteur, il reste beaucoup à explorer", explique à l'AFP Diosgrafo Chamba, membre d'Observatorio minero, un cabinet de consultants.
Misant sur de futurs emplois et recettes, le gouvernement a lancé il y a quelques mois un appel d'offres pour attribuer des concessions minières de moyenne et grande taille.
- Indigènes et écologistes contre -
Mais ce nouveau cap ne plaît pas à tout le monde: comme dans d'autres pays d'Amérique latine, les projets miniers de l'Equateur sont rejetés en bloc par les défenseurs de l'environnement et les communautés indigènes.
Si les premiers rappellent que le respect de la nature est inclus dans la Constitution équatorienne, les seconds redoutent les déplacements forcés des populations vivant sur les terres données en concessions. Tous critiquent la possible pollution des sources d'eau et des forêts.
Les autorités assurent que l'impact sera minime grâce à l'usage de technologies modernes et à sa réglementation stricte, qui interdit par exemple d'avoir recours au mercure et exige des entreprises de réaliser une fermeture correcte de la mine à la fin du contrat.
"Qu'ils nous prouvent que cela ne va pas affecter nos terres, l'eau, et que cela va être rentable pour l'Equateur et nos communautés", leur rétorque le préfet de la province de Zamora Chinchipe et leader indigène Salvador Quishpe, interrogé par l'AFP.
Dans sa province, les projets miniers de Mirador et Fruta del Norte menacent l'environnement et le style de vie de l'ethnie Shuar, dont l'une des traditions est justement l'activité minière, mais pratiquée de manière artisanale, affirme-t-il.
En Equateur, personne n'a oublié les dégâts dans la forêt amazonienne survenus lors de l'exploitation pétrolière par la compagnie américaine Texaco, active entre 1964 et 1990 et rachetée en 2001 par Chevron (NYSE:CVX).
Les habitants se souviennent aussi des graves épisodes de pollution au mercure liés à des projets miniers.
"En Equateur, nous ne sommes pas encore en phase d'exploitation intensive, mais les expériences du passé et celles de toute la région ne plaident pas en faveur d'un impact environnemental minime de l'activité minière", souligne Ricardo Buitron, de l'ONG Accion Ecologica.
Selon lui, penser que ce secteur "va sauver" l'économie équatorienne est un "mythe".
"Nous sortons du plus gros boom pétrolier dans l'histoire du pays et nous sommes ruinés", reconnaît-il, mais "le coût environnemental et social ne justifie pas" un tel changement de cap.