Ils sont environ 500.000 et cumulent des pertes astronomiques: les clients des caisses d'épargne qui ont fusionné pour créer Bankia, la quatrième banque espagnole récemment nationalisée, affirment avoir été "trompés" en achetant des actions qui ont chuté de plus de plus de 60%.
"Il s'agit clairement d'une escroquerie préméditée", affirme Saturnino Lopez, un retraité de 65 ans venu jeudi participer à une assemblée de petits porteurs à Madrid, dans une atmosphère de grande confusion.
"Je me sens trompé, parce que les actions qu'ils m'ont vendues, en disant qu'elles avaient une valeur importante, valent finalement zéro", affirme cet ancien employé dans le secteur de l'énergie, qui a déjà perdu 15.000 euros sur les 25.000 qu'il a investis il y a dix mois.
Bankia, qui compte onze millions de clients, a été nationalisée la semaine dernière afin de l'assainir de ses actifs immobiliers risqués, accumulés depuis l'éclatement de la bulle immobilière en 2008.
Depuis, son cours a chuté de manière vertigineuse.
Jeudi, des rumeurs sur des retraits massifs ont semé la panique à la Bourse. Vendredi, après une plongée de près de 30% la veille, le cours est remonté mais restait loin du prix de 3,75 euros fixé lors de l'entrée en Bourse de Bankia en juillet 2011.
C'est à cette époque que des centaines de milliers de petits épargnants étaient devenus actionnaires sans avoir été informés des risques, disent-ils.
"Nous parlons d'épargnants qui avaient déposé leurs économies dans les caisses d'épargne et se sont trouvés embarqués, de manière trompeuse, dans une aventure boursière, en pleine crise économique", explique Fernando Herrero, le secrétaire général de l'Association des usagers des banques (Adicae).
"C'était une façon très pratique d'attirer du capital" grâce à de petits actionnaires qui ont peu de poids dans la gestion de la banque, ajoute-t-il.
L'association tente à présent de réunir ces petits porteurs, au nombre d'environ 500.000 selon elle, pour mener collectivement une action en justice.
Au moment de son entrée en Bourse, Bankia "était déjà un groupe instable, avec une grande exposition au risque immobilier et malgré cela, ses actions ont été massivement vendues à ses clients", remarque Santiago Perez, responsable juridique de l'Adicae.
Bankia est en effet la grande banque espagnole la plus exposée au secteur immobilier, avec 31,8 milliards d'euros d'actifs considérés comme problématiques, notamment des crédits risquant de ne pas être remboursés.
Isabel et Miriam Sanchez, deux soeurs, sont venues au nom de leur père âgé de 80 ans, qui a placé ses économies, 50.000 euros, en titres Bankia.
"Il a été totalement trompé. Ils lui ont donné une information biaisée au moment de lui vendre ces actions alors qu'il semble que l'entreprise allait déjà mal", raconte Isabel, 37 ans.
"Le produit était complètement empoisonné depuis le départ", ajoute Miriam.
En plus de ces 500.000 petits actionnaires entrés en Bourse en 2011, l'Adicae a recensé entre 100.000 et 120.000 épargnants devenus détenteurs d'actions préférentielles, des produits complexes qu'on leur avait présentés comme des placements sûrs, aujourd'hui elles aussi dévaluées.
"C'était en 2009", se souvient Rosa Gimenez, une femme de 66 ans accompagnée de son époux Felix, ouvrier à la retraite.
"Nous sommes allés voir la banque, où nous sommes clients depuis 42 ans, depuis notre mariage", raconte-t-elle.
"Ils nous ont très bien reçus et nous ont proposé un produit qui, nous disaient-ils, était plus intéressant qu'un placement à terme". "C'était de toute évidence un leurre, s'ils nous avaient dit que nous ne pourrions pas récupérer notre argent, nous ne l'aurions pas fait".
Le couple a investi 33.000 euros, sans savoir que ces produits ne permettent pas à l'épargnant de récupérer son placement à n'importe quel moment.
"Aujourd'hui, nous avons reçu une lettre nous informant qu'elles sont dévaluées de 25%", confie son époux.