Malgré les critiques des milieux d'affaires, les autorités argentines poursuivent et intensifient leur politique de limitation drastique de la circulation de dollars dans l'économie nationale, afin de ralentir la fuite de capitaux et de préserver ses réserves en devises.
Les réserves argentines ont fondu de presque 6 milliards de dollars en quelques mois, à 46,658 milliards, incitant le gouvernement de Cristina Kirchner à imposer de sévères contrôles sur le marché des changes, en limitant l'achat de billets verts.
Le combat contre la "dollarisation" de l'économie --toutes les transactions importantes ainsi que l'épargne sont effectuées en dollars-- a conduit à la fermeture du robinet à devises pour les banques, les entreprises et les petits épargnants, qui tentent de se prémunir contre une inflation que des analystes indépendants estiment à 25% par an (quand le gouvernement évoque 10%).
Ces mesures "ont freiné par exemple le secteur immobilier et de la construction (-8,8% en mai sur un an, chute de 43% des permis de construire entre janvier et mai), deux secteurs clés de l'économie, et cela creuse un chemin récessif", estime Mariano Lamothe, du cabinet d'analyses privé acebeb.com.
Dernières décisions en date, l'interdiction d'effectuer des transactions dans l'immobilier en dollars et d'acquérir des billets verts pour épargner. Auparavant, c'est l'achat de devise pour voyager à l'étranger qui avait déjà été soumis à de sévères contrôles.
En 2012, l'Argentine doit faire face à l'arrivée à échéance de 5 milliards de dollars de dette et à une facture énergétique en hausse, à environ 12 milliards. N'ayant plus accès aux lignes de crédit internationales suite à son défaut de paiement historique en 2001 sur 100 milliards de dette, le pays est contraint de retenir ses devises.
C'est dans le même objectif que Cristina Kirchner a fait adopter ces derniers mois d'importantes mesures protectionnistes, au grand dam des Etats-Unis, de l'Europe et de ses voisins latino-américains.
Conséquence de ces décisions, on assiste à un renouveau du marché noir, où le peso s'échange 45% plus cher que sur le marché officiel, où il évolue autour de 4,57 dollars.
La présidente de la Banque centrale, Mercedes Marco del Pont, a assuré que l'Argentine "ne fait pas face à une pénurie de dollars" mais a averti que les billets verts sont destinés à "la production". "Nous ne pouvons pas nous permettre le luxe qu'ils sortent du circuit productif", a-t-elle souligné.
L'inquiétude des épargnants a conduit au retrait de 5,7 milliards au cours des huit derniers mois.
"Tant que nous n'aurons pas l'impression que le gouvernement s'occupe du problème de l'inflation, la sortie de devises va se poursuivre", pronostique l'économiste et député d'opposition (droite) Rogelio Frigerio.
Le dirigeant de l'Union industrielle argentine (UIA), José Ignacio de Mendiguren, pourtant allié du gouvernement, estime également que "les restrictions sont exagérées". Il souligne également que l'économie, florissante ces dernières années, traverse "une forte période de décélération, avec une chute de la production industrielle de 4,5%" sur un an en mai, la plus importante depuis janvier 2009.
Ces restrictions sont "une mesure erronée (prises) à partir d'un diagnostic erroné: on retire les reins quand il faut seulement soigner une grippe", commente Mariano Lamothe, qui estime que le gouvernement devrait "accepter une sortie limitée de dollars, dévaluer un peu et trouver des crédits" sur le marché extérieur.