ROME (Reuters) - Les autorités italiennes ont décidé de poursuivre Morgan Stanley (NYSE:MS) en justice en accusant la banque américaine d'être à l'origine de pertes de 2,7 milliards d'euros pour l'Etat italien à l'issue de transactions sur dérivés, a-t-on appris de source proche du dossier.
La Corte dei Conti, équivalent italien de la Cour des comptes, a décidé de lancer cette procédure au nom des contribuables italiens.
La justice italienne devrait commencer ses auditions en avril 2018, a dit cette source.
Morgan Stanley pourrait être condamnée à verser des indemnités à l'Etat italien.
"La phase d'enquête est terminée et le tribunal va écouter les demandes d'indemnisation", a dit la source.
Morgan Stanley a refusé de répondre aux questions de Reuters sur le sujet.
Dans un document boursier déposé en août 2016, la banque américaine a annoncé avoir été contactée par un procureur italien lui proposant de procéder à un paiement pour régler un problème lié à des transactions sur dérivés. Elle a alors jugé cette demande dénuée de fondement.
Ces opérations sur dérivés ont été lancées entre 1995 et 2005 et closes en décembre 2011 et janvier 2012, a précisé Morgan Stanley dans ce document boursier.
DEUX ANCIENS MINISTRES ITALIENS AUSSI POURSUIVIS
Le dossier monté par la Corte dei Conti se concentre sur des contrats de dérivés sur taux d'intérêt conclus entre le Trésor italien et Morgan Stanley. Ils constituaient une forme d'assurance pour l'Etat italien, l'un des plus endettés d'Europe, face au risque de hausse des taux.
Les taux ont au contraire plongé avec la crise financière mondiale de 2007-2009, permettant à l'Italie d'emprunter à coûts réduits sur le marché mais lui infligeant de lourdes pertes sur ses positions de dérivés.
De telles pertes font habituellement partie des risques acceptés par les intervenants de marché mais les enquêteurs de la Corte dei Conti affirment que certains contrats conclus avec Morgan Stanley étaient spéculatifs par nature et contenaient des clauses de résiliation exagérément avantageuses pour la banque.
Ils reprochent aussi à Morgan Stanley un conflit d'intérêt puisqu'elle aidait l'Etat italien dans ses opérations financières, notamment l'achat et la distribution de bons du Trésor.
Entre fin 2011 et début 2012, l'Etat italien a versé environ 3 milliards d'euros à Morgan Stanley pour mettre fin à ces contrats de dérivés, a dit la source.
La Corte dei Conti va aussi réclamer un total de 1,18 milliard d'euros au directeur général du Trésor, Vincenzo La Via, à Maria Cannata, directrice générale du département de la dette publique au Trésor italien, et à deux anciens ministres des Finances, Domenico Siniscalco et Vittorio Grilli.
Les services de Maria Cannata et Vincenzo La Via ont renvoyé les demandes des médias vers le service de presse du Trésor tandis que les deux anciens ministres des Finances ont refusé de s'exprimer sur le sujet.
(Avec Giuseppe Fonte à Rome, Bertrand Boucey pour le service français, édité par Marc Joanny)