A peine remis d'une grave crise politique, le gouvernement portugais n'a pas écarté vendredi la nécessité d'un deuxième plan de sauvetage après avoir subi un nouveau revers, la Cour constitutionnelle ayant censuré une mesure d'austérité mise au point avec les créanciers du pays.
Réagissant au rejet jeudi par la Cour constitutionnelle d'un projet de loi visant à licencier des fonctionnaires, le Premier ministre, Pedro Passos Coelho, a évoqué l'hypothèse que le Portugal ne soit pas en mesure de poursuivre son programme de rigueur sans "davantage de financement, sans un deuxième programme" d'aide.
"Si nous ne sommes pas capables dans les prochains mois de montrer à nos créanciers que la réforme de l'Etat nous permet de réduire les dépenses d'une manière durable, il se peut que nous ne soyons pas en mesure de poursuivre notre chemin sans davantage de financement, sans un deuxième programme garantissant au pays les moyens dont il a besoin", a-t-il déclaré.
Le Portugal met en oeuvre de strictes mesures d'austérité en contrepartie du plan de sauvetage de 78 milliards d'euros accordé par l'Union européenne et le Fonds monétaire international en mai 2011 pour une durée de trois ans.
En pleine crise politique, en juillet, plusieurs analystes avaient évoqué le risque de voir le Portugal réclamer une rallonge financière, à l'instar de la Grèce.
Le verdict de la Cour a une nouvelle fois entamé la crédibilité du gouvernement aux yeux des investisseurs et s'est répercuté immédiatement sur le marché de la dette, où les taux des obligations à 10 ans ont grimpé vendredi à 6,732%, contre 6,574% jeudi.
La Cour a jugé jeudi soir contraire à la Constitution un projet de loi destiné à faciliter le licenciement des fonctionnaires, infligeant ainsi un nouveau coup dur au gouvernement après avoir rejeté en avril plusieurs mesures d'austérité du budget de l'Etat pour 2013.
Le gouvernement doit désormais trouver de nouvelles mesures d'économie pour compenser celle que la Cour a rejetée.
"Nous allons trouver d'autres solutions qui ne seront peut-être pas meilleures mais qui résoudront le problème", a assuré M. Passos Coelho. "Nous ne mettrons pas le pays en péril", a-t-il ajouté, écartant le recours à de nouvelles hausses d'impôts.
Soucieux de se plier aux exigences de la troïka, le gouvernement avait prévu des économies budgétaires de 894 millions d'euros sur trois ans, dont 50 millions dès 2013 grâce à la mesure désormais censurée par la Cour constitutionnelle. Selon les analystes, l'impact sur le budget pour 2014 devrait toutefois être relativement faible.
Mais même si le préjudice en terme de financement est limité dans l'immédiat, le verdict "crée un trou dans les prochains budgets", met en garde Jesus Castillo, économiste chez Natixis, avant d'évoquer "le manque de confiance" que ce verdict risque de créer chez les investisseurs.
En avril, les invalidations décidées par la Cour avaient eu pour conséquence de compromettre des économies évaluées à 1,3 milliard d'euros et le Premier ministre avait dû présenter un projet de réforme de l'Etat destiné à réduire les dépenses publiques de 4,7 milliards d'ici fin 2014.
Le verdict de la Cour intervient à un moment d'autant plus délicat pour le gouvernement que la troïka (UE-FMI-BCE) est attendue à la mi-septembre pour procéder à un nouvel examen des réformes mises en oeuvre par le Portugal.
Le gouvernement avait dû demander le report de cette visite en raison de la crise politique qui avait agité le pays en juillet pendant trois semaines suite aux démissions de deux ministres clés.
Le Portugal conserve toutefois l'avantage de connaître actuellement une conjoncture économique moins maussade. Après deux ans et demi de récession, l'économie a enregistré au deuxième trimestre une croissance de 1,1% et, dans le même temps, le taux de chômage a baissé à 16,4%.