Le distributeur Auchan, contrôlé par la famille Mulliez, met le paquet sur l'Europe de l'Est en rachetant à l'allemand Metro ses supermarchés Real pour 1,1 milliard d'euros, afin de rééquilibrer ses forces et contrer les effets de la crise en Europe de l'Ouest.
L'opération, annoncée vendredi, est la plus importante pour Auchan depuis l'acquisition en 1996-97 de Docks de France (enseignes Mammouth, Atac...).
Elle porte sur 91 hypermarchés Real en Pologne, Russie, Roumanie et Ukraine, y compris les murs de 14 d'entre eux. Sont également incluses dans la transaction 13 galeries commerciales (6 en Roumanie et 7 en Russie), a indiqué Philippe Baroukh, responsable des hypermarchés d'Auchan, lors d'une conférence de presse téléphonique.
Soit au total 720.000 nouveaux mètres carrés, puisque les magasins repris ont une surface moyenne de 7.900 m2.
"Nous avons saisi cette opportunité de croissance externe pour rééquilibrer nos positions", a-t-il expliqué, rappelant qu'Auchan a "trois zones prioritaires de développement, l'Europe occidentale, l'Europe centrale et de l'est, et l'Asie".
Dans les quatre pays concernés par la transaction, Real a réalisé l'an dernier plus de 2,6 milliards d'euros de ventes, et emploie 20.000 salariés qu'Auchan a prévu d'intégrer. Le chiffre d'affaires devrait atteindre 2,9 milliards d'euros en 2012, a relevé M. Baroukh, évoquant des perspectives de développement "extrêmement positives".
Quant à la rentabilité, elle sera "en ligne avec nos cibles", a indiqué le directeur financier Xavier de Mezerac.
Pour ces acquisitions, Auchan va "être amené à se refinancer pour un montant d'environ un milliard d'euros", qui pourrait se traduire par une émission obligataire, a précisé M. de Mezerac.
Auchan estime que les hypermarchés Real "complètent" bien son dispositif. En revanche, si Carrefour cherchait à céder des actifs en Pologne, Auchan ne serait pas intéressé, "nous avons déjà du pain sur la planche", a dit M. Baroukh, interrogé sur ce point.
Auchan avait déjà finalisé en octobre un accord avec le groupe Louis Delhaize, propriétaire de Cora, pour racheter sept hypermarchés et sept galeries commerciales en Hongrie, ce qui l'a placé au 3e rang dans ce pays derrière Tesco et Interspar.
Le rachat des Real, qui passeront sous enseigne Auchan, permet au français de renforcer encore ses positions à l'Est, où ses activités sont moins touchées par la crise, alors qu'il ne fait pas mystère de "perspectives préoccupantes" en Europe occidentale et du ralentissement de la croissance en Chine.
Au terme de la transaction, que les autorités de la concurrence des pays concernés doivent avaliser, Auchan disposera de 749 hypermarchés: 266 en Europe de l'Ouest, 209 en Europe de l'Est et 274 en Asie. "Un équilibre assez intéressant", selon M. Baroukh.
Auchan triple ainsi quasiment sa présence en Pologne (de 26 à 79 hypermarchés), où il s'est installé il y a quinze ans et où il récupère au passage plusieurs hypers Géant de Casino, cédés à Métro en 2006.
Idem en Roumanie (de 10 à 30), où il a pris position depuis six ans, et devient ainsi le premier distributeur devant Carrefour (25 hypers).
En Russie, deuxième marché d'Auchan en chiffre d'affaires derrière la France, le groupe va passer de 54 à 70 hypermarchés. Et en Ukraine, de 8 à 10.
La répartition du chiffre d'affaires évoluera en conséquence: l'Europe de l'Est pèsera 26% (21% aujourd'hui), face aux 40% de la France, aux 20% de l'Europe du Sud et aux 14% de l'Asie.
De son côté, Metro a justifié ces cessions par sa volonté de se recentrer sur le marché allemand et sur son activité de produits de gros, la division Cash&Carry. Il réduit au passage son endettement net de 1,5 milliard d'euros et économise 900 millions d'euros de loyers.
Mais Metro ne compte pas se désengager pour autant de l'Europe de l'Est et de la Russie, a insisté son patron Olaf Koch: il va y accélérer le développement de ses divisions Cash&Carry et Media Markt.
L'allemand conservera par ailleurs ses magasins Real en Turquie, dont Auchan n'a pas voulu car ils ne présentent pas la "surface et le poids suffisants" pour s'attaquer à ce pays, selon M. Baroukh.
Au premier semestre 2012, Auchan a enregistré un bénéfice net en repli de 30,3% à 237 millions d'euros, pour un chiffre d'affaires en hausse de 5,5% à 22,4 milliards d'euros.