Les étrangers ont-ils sauvé la saison touristique en France cet été ? Août a-t-il compensé juillet ? La ministre du Tourisme Sylvia Pinel y croit mais certains experts s'étonnent des chiffres avancés par son ministère.
Juillet n'a pas été bon, ni en fréquentation ni en recettes, estimaient la plupart des professionnels interrogés par l'AFP il y a quelques semaines. Selon eux, même un excellent mois d'août ne devrait pas parvenir à rééquilibrer la balance et à rattraper le retard d'activité perdu depuis l'avant-saison, météo et crise oblige.
Ont-ils été trop pessimistes ? Selon Mme Pinel, en termes de fréquentation touristique au moins, "le mois d'août devrait compenser le mois de juillet", au vu des "premières estimations sur la saison estivale" recueillies par son ministère.
La ministre souligne toutefois qu'on ne connaît "pas encore le niveau des dépenses des touristes" et qu'il ne faut pas tirer de conclusions hâtives sur la réussite ou non de la saison.
D'après les chiffres du ministère, qui s'appuient sur "différentes sources d'observation statistique du tourisme" (Insee, direction générale des services, Atout France, régions et départements...), la fréquentation a reculé de seulement 0,5% dans les hébergements touristiques en juillet, à l'exception des campings où elle a progressé de 1,8%. Les étrangers ont largement compensé la désaffection des Français.
Concernant le mois d'août, le recul de fréquentation de la clientèle française serait plus limité qu'en juillet dans l'hôtellerie et "il y aurait une légère croissance dans les campings", selon le ministère. Du côté des touristes étrangers, août semble avoir été "aussi bien orienté" que juillet.
Mais pour le cabinet Protourisme, qui fait référence dans les études touristiques, le compte n'y est pas. Son président Didier Arino évoque pour sa part un bilan estival maussade, en raison notamment de la crise qui a selon lui pesé sur les budgets et les départs en vacances des Français.
"Je ne vois pas comment on peut trouver une hausse dans l'hôtellerie de plein air en juillet, alors que 8 campings sur 10 ont subi une baisse. Cela relève de la méthode Coué !", a-t-il dit à l'AFP.
L'étude réalisée par son cabinet auprès de 840 hébergeurs (représentant 2 millions de lits en campings, résidences de tourismes, hôtels, gîtes, villages de vacances...) conclut à une baisse de 3,5% des nuitées marchandes sur juillet-août.
"Malgré une météorologie exceptionnelle" et la progression de 3% des nuitées de la clientèle étrangère, l'ensemble des hébergements touristiques marchands finit en baisse sur juillet-août, selon Protourisme: -2% pour les villages de vacances, -3% pour les campings et les résidences de tourisme, -5% pour l'hôtellerie saisonnière et en station et -6% pour les hébergements ruraux.
Selon l'étude du cabinet, 54% des professionnels constatent une baisse de fréquentation, et les nuitées ont chuté dans 13 régions sur 22.
"Un bilan aussi médiocre avec une situation météorologique aussi favorable est unique dans l'histoire du tourisme français", dit Didier Arino.
Difficile d'y voir clair
D'autres estimations et études ont été publiées ces derniers jours. Difficile pour autant d'y voir clair.
Selon Atout France, l'agence chargée de "vendre" la destination France, sur l'ensemble de la saison allant de juin à septembre, les professionnels s'attendent à une baisse de la fréquentation touristique.
A Paris, l'Office du tourisme a affirmé que l'afflux des étrangers en juillet avait "permis d'atténuer la baisse" des Français et que globalement "le remplissage des hôtels a progressé" sans interruption depuis début août. Il table sur une année 2013 un peu moins bonne que 2012, avec un recul de 1% des nuitées hôtelières, à 36,6 millions.
Une étude du cabinet MKG sur l'hôtellerie estimait récemment que le taux d'occupation pour les trois premières semaines d'août n'avait pas faibli, les étrangers ayant compensé la défection des Français.
Concernant les taux de départs en vacances des Français en 2013, la ministre du Tourisme table sur une stabilité par rapport à 2012.
Pour M. Arino, le taux de départs des Français baisse aujourd'hui, même dans les catégories aisées.
"Dire le contraire c'est faire preuve d'une absence d'écoute de nos concitoyens qui n'arrivent plus à partir. On a un recul historique des classes moyennes, de 7%, et les taux de départs baissent même dans les catégories aisées", assure-t-il.