Le ministre allemand des Finances a lancé un appel aux fraudeurs du fisc pour qu'ils se dénoncent, après avoir décidé d'acheter un CD contenant jusqu'à 1.500 noms de détenteurs de comptes en Suisse.
Après avoir annoncé mardi qu'il allait payer pour obtenir le précieux CD - 2,5 millions d'euros, selon la presse -, mais alors que le doute persiste sur le ou les établissements bancaires concernés, M. Schäuble compte sur l'effet "épée de Damoclès" pour inciter les contribuables malhonnêtes à faire le premier pas.
"Je ne peux que conseiller à quiconque qui pense avoir fraudé le fisc par le passé d'utiliser la possibilité de l'auto-dénonciation", a déclaré le ministre conservateur dans les colonnes du quotidien régional Augsburger Allgemeine Zeitung de mercredi.
La manoeuvre aurait fonctionné en France, où l'an dernier le fisc dit avoir récupéré 700 millions d'euros de 3.500 évadés fiscaux repentis. Paris s'était aussi procuré auprès d'un informateur - pas le même, assure-t-il - une liste de 3.000 fraudeurs du fisc en Suisse, et avait incité les contribuables en infraction avec la loi à se dénoncer avant le 31 décembre.
En cas de dénonciation, les intéressés devaient rembourser les sommes dues au fisc, mais n'étaient pas punis en plus pour leurs méfaits.
"Il n'est pas encore trop tard pour se dénoncer", expliquait le quotidien Frankfurter Allgemeine Zeitung à ses lecteurs dès mardi, notant que cela risquait de ne plus valoir dès que le nom de la ou des banques concernées serait connu.
Selon le quotidien régional Rheinische Post, le nombre d'auto-dénonciations en matière fiscale a quadruplé entre 2008 et 2009 en Allemagne. L'achat par les services secrets allemands en 2008 d'une liste de noms en provenance du Liechtenstein, qui avait conduit à épingler un baron de l'économie allemande, le patron de l'époque de Deutsche Post, n'est pas étranger à cette évolution.
Le prédécesseur de M. Schäuble, le social-démocrate Peer Steinbrück, était parti en croisade contre l'évasion fiscale, se brouillant avec Vaduz et avec Berne. Les relations avec la Suisse sont d'ailleurs toujours tendues, et l'affaire en cours n'arrange rien. La Confédération helvétique a indiqué qu'elle ne coopérerait pas avec l'Allemagne quand il s'agira de poursuivre les fraudeurs sur la base de données volées.
Le ministre des Finances suisse Hans-Rudolf Merz a toutefois indiqué mercredi qu'il voulait "poursuivre le dialogue", notamment sur la convention contre la double imposition, qui doit permettre de mieux lutter contre l'évasion fiscale.
Dans la soirée, les autorités néerlandaises et autrichiennes ont dévoilé leur intérêt pour les données contenues sur le CD.
"S'il y avait des preuves que ce CD contient des informations sur des fraudeurs autrichiens, nous voudrions naturellement y jeter un coup d'oeil", a indiqué un porte-parole du ministère des Finances autrichien, alors que son homologue à La Haye a affirmé: "nous attendons de la part de l'Allemagne qu'elle nous donne les informations bancaires lorsqu'elle les aura", rappelant que cela avait été le cas par le passé.
Le gouvernement allemand a pour sa part vite surmonté les réticences morales liées à l'origine des données, alléché par la perspective de mettre la main au collet de plusieurs centaines de fraudeurs.
Le gain escompté - de l'ordre de 100 millions d'euros, selon les estimations qui circulent - n'est toutefois sûrement pas le facteur déterminant. Ramené aux 212 milliards d'euros de recettes fiscales attendues cette année, ou même à un déficit budgétaire de 86 milliards d'euros, il pèse peu dans la balance.
Mais pour Mme Merkel et son équipe, c'est une question de principe. "Je suis, comme toute personne sensée, pour que l'on réprime la fraude fiscale, et dans ce but, il faut tout faire pour obtenir ces données", avait déclaré en début de semaine la chancelière.