Le gouvernement français s'est résolu à annoncer lundi une révision drastique de sa prévision de croissance pour 2012, ramenée de 1% à 0,5%, avec pour conséquence une équation budgétaire tendue même s'il assure qu'un troisième plan de rigueur sera superflu.
"Nous avions dit que nous attendrions les résultats du quatrième trimestre avant de réviser, nous les révisons maintenant de 1% à 0,5%", a déclaré le Premier ministre François Fillon lors d'une conférence de presse à Matignon. Depuis plusieurs jours, le gouvernement ne faisait plus mystère de son intention de procéder rapidement à cette rectification.
Le Fonds monétaire international (FMI), il est vrai, est encore plus pessimiste. Il ne table plus que sur 0,2% de croissance du PIB pour la France cette année, tandis que l'OCDE prévoit 0,3%. Quant au candidat socialiste à l'Elysée, François Hollande, il a bâti d'emblée son projet économique autour d'une hypothèse de 0,5%, tout comme le gouvernement à présent.
François Fillon, qui détaillait les mesures en faveur de l'emploi, de la compétitivité des entreprises ou du logement annoncées dimanche soir par Nicolas Sarkozy, l'a assuré: le budget 2012 pourra être bouclé "sans demander d'efforts supplémentaires aux Français".
"Très prudent" dans sa construction, ce budget permettra selon lui "d'absorber" euro pour euro l'impact de la moindre croissance sur les finances publiques, qu'il a évalué à "environ 5 milliards d'euros".
Pour cela, le chef du gouvernement actionnera plusieurs leviers et compte sur quelques mannes bienvenues.
En Premier lieu, les déficits publics qui ont été contenus "en-dessous de 5,4%" du PIB en 2011 contre 5,7% prévus, devraient engendrer, assure François Fillon, "un effet pérenne d'environ 3 milliards au moins" en 2012 et les années suivantes.
S'y ajouterait "un surcroît de recettes d'ISF (impôt de solidarité sur la fortune, NDLR) et d'impôt sur le revenu de 300 millions d'euros liés" à la lutte contre l'évasion fiscale.
La taxe sur les transactions financières, qui doit être mise en place dès cet l'été, rapporterait pour sa part "500 millions en 2012". Dernier levier: une annulation nette de 1,2 milliard d'euros de crédits des ministères, non détaillés. Ils seront prélevés sur une réserve de précaution ménagée dans le budget 2012.
Total de ces compensations: 5 milliards d'euros correspondant aux 5 milliards de manque à gagner.
Ces assurances peinent cependant à convaincre la sénatrice socialiste Nicole Bricq, rapporteure générale du budget à la Haute assemblée.
Selon elle, les cinq milliards de manque à gagner sont "un chiffre plancher". Tout dépendra des "recettes fiscales et sociales et des dépenses supplémentaires qu'il faudra activer pour faire face à la montée du chômage", souligne-t-elle, estimant que la facture pourrait atteindre jusqu'à 10 milliards d'euros.
Nicole Bricq déplore également que le gouvernement ait tardé à réviser sa prévision de croissance. "A chaque fois, il s'ajuste, il est passif et il subit alors que l'hypothèse de croissance n'était pas réaliste", assure-t-elle.
Quant à Christian Saint-Etienne, professeur d'économie à l'Université Paris Dauphine, s'il estime que les nouvelles hypothèses budgétaires du gouvernement ne sont pas "déraisonnables", il aurait jugé "plus convaincant pour les marchés financiers d'annoncer un milliard de mesures nouvelles" plutôt que de puiser dans la réserve de précaution.
Le gouvernement "a loupé l'occasion d'être plus crédible mais on comprend qu'à 80 jours de l'élection présidentielle, il n'ait pas voulu durcir encore le processus", observe-t-il.