La santé de l'économie allemande a dopé au deuxième trimestre la croissance de la zone euro, qui a même dépassé celle des Etats-Unis, mais les économistes craignent d'y voir seulement un sursaut avant un nouveau ralentissement en fin d'année.
Le Produit intérieur brut (PIB) des 16 pays partageant la monnaie européenne a augmenté de 1% au deuxième trimestre, un plus haut depuis quatre ans et mieux que prévu par les économistes, selon une première estimation vendredi de l'Office européen des statistiques Eurostat.
L'accélération est nette comparé aux deux trimestres précédents où la croissance avait calé (0,1% puis 0,2%) tandis qu'à peine sortie de la pire récession de son histoire, la zone euro était ébranlée par la crise de la dette.
C'est mieux aussi que les performances de l'économie américaine, qui a nettement ralenti au deuxième trimestre avec un PIB en hausse de seulement 0,6%, souligne Eurostat.
L'Allemagne a encore joué son rôle de locomotive avec une croissance de 2,2%, la plus élevée depuis la Réunification en 1990. Elle profite de la reprise mondiale et ses exportations ont renoué en juin avec leur niveau d'avant la crise.
La première économie européenne est "structurellement en bien meilleure posture que beaucoup d'autres pays industrialisés", relève Carsten Brzeski d'ING, qui juge "impressionnant, mais pas surprenant" le chiffre du deuxième trimestre.
La performance allemande cache toutefois une reprise très inégale. En France, le PIB a progressé de 0,6%, trois fois mieux qu'au premier trimestre, et en Italie de 0,4%.
L'accélération est sensible en Belgique (+0,7% après 0% au 1er trimestre), aux Pays-Bas (0,9% après 0,5%) et en Autriche (0,9% après 0%).
Mais la situation est moins rose dans les pays dits "périphériques", considérés comme les maillons faibles de la zone euro durant la crise de la dette.
La croissance reste molle en Espagne (+0,2% après +0,1% au premier trimestre), s'effondre au Portugal (+0,2% après +1,1%). La Grèce est elle passée dans le rouge (-1,5%) après +1% au premier.
Les économistes, qui mettent en garde depuis des mois contre les disparités à l'intérieur de la zone euro, craignent toujours un essoufflement de la croissance vers la fin de l'année, sur fond de plans d'austérité budgétaire et de réformes difficiles comme celles des retraites.
"La reprise reste dépendante des exportations des principales économies, qui ne devraient pas mettre longtemps à ralentir", souligne ainsi Jennifer McKeown, économiste chez Capital Economics.
Le boom allemand notamment pourrait être de courte durée.
"Le dynamisme des exportations va nettement ralentir dans le courant du deuxième semestre", car il repose sur des effets temporaires comme un re-stockage après les investissements reportés de 2009 et dépend de la conjoncture mondiale, prévient Stefan Schneider à la Deutsche Bank.
S'y ajoutent l'abandon progressif des mesures adoptées pendant la crise pour soutenir l'économie et la consolidation annoncée des finances publiques.
En particulier, "les économies de la périphérie vont continuer de souffrir de l'austérité budgétaire et rester, ou retourner, en récession", avertit Jennifer McKeown.
Au final, le défi tient en une question, selon Chris Williamson, le chef économiste de la société Markit qui publie chaque mois l'indice PMI considéré comme un bon indicateur avancé de la conjoncture: "Il faudra voir si la vigueur du centre de la zone euro (l'Allemagne NDLR) s'étend à la périphérie, ou si la périphérie entraîne le centre dans sa chute".