C'est avec une mauvaise nouvelle qu'Angela Merkel rencontre mardi à Paris Nicolas Sarkozy: la croissance allemande a connu au deuxième trimestre un coup de frein bien plus brutal que prévu.
Ce coup de mou printanier pourrait servir ceux, encore majoritaires en Allemagne, qui refusent de lancer des obligations européennes synonymes de taux d'intérêt plus doux pour les pays en crise, mais plus salés pour Berlin.
Le produit intérieur brut allemand (PIB) n'a augmenté que de 0,1% au deuxième trimestre par rapport au premier, a annoncé mardi l'Office des statistiques (Destatis). L'Allemagne a fait à peine mieux que la France, qui a connu une croissance nulle au deuxième trimestre.
Les économistes interrogés par Dow Jones Newswires attendaient certes un ralentissement mais espéraient malgré tout une croissance plus élevée au deuxième trimestre, de 0,4%.
Destatis a par ailleurs revu en baisse la performance du premier trimestre: la croissance annoncée à 1,5% n'a en définitive atteint que 1,3%.
L'annonce de ces contre-performances coïncide avec une rencontre très attendue entre la chancelière Angela Merkel et le président Nicolas Sarkozy, devant se dérouler dans l'après-midi à Paris. La réunion a pour thème majeur la crise de la dette en zone euro.
Chose inhabituelle pour un pays champion des exportations, le commerce extérieur a apporté une contribution négative au PIB allemand au printemps, c'est-à-dire que les importations ont dépassé les exportations.
"La consommation privée ainsi que les investissements dans le bâtiment ont aussi freiné l'économie", a encore indiqué l'Office des statistiques, sans donner plus de précisions. Les détails du PIB seront publiés le 1er septembre.
Ce coup de frein brutal pour la première économie européenne, qui était sortie sur les chapeaux de roue de la crise, ne l'empêche pas de se porter beaucoup mieux qu'il y a un an.
Par rapport au deuxième trimestre 2010, le PIB allemand au deuxième trimestre 2011 s'affiche ainsi en progression de 2,8%. Et la majorité des économistes continue à tabler sur une croissance autour de 3% pour l'ensemble de 2011, de loin l'une des meilleures performances européennes.
Les chiffres de mardi ont toutefois désagréablement surpris.
"La question à un million de dollars, c'est de savoir si ce deuxième trimestre marque le début de la fin du miracle économique allemand", s'interroge Carsten Brzeski, analyste d'ING, dans une note. "Alors que les élus allemands se torturent les méninges sur les pour et contre des euro-obligations, le luxe d'avoir une économie tournant à un rythme miraculeux est en train de disparaître", prévient-il.
L'Allemagne s'en tient à la ligne officielle, encore répétée lundi par le porte-parole de Mme Merkel, de rejeter tout débat sur les euro-obligations. Officiellement toujours, elles ne sont pas à l'ordre du jour des discussions à Paris.
Reste que le pays tout entier débat avec passion d'un sujet qui faisait mardi la une de plusieurs journaux. Le quotidien de gauche Taz titrait ainsi avec un satirique "My name is Bond, Eurobond. Il ne faut jamais dire +jamais plus jamais+", en référence à un épisode des aventures du célèbre agent secret.
Plus sérieusement, quelques députés du parti CDU d'Angela Merkel demandent dans le Handelsblatt de ne pas diaboliser les euro-obligations.
Le parti libéral FDP, partenaire de la droite au gouvernement, fait lui face à un casse-tête. Il rejette en bloc une idée marquée selon lui du sceau du dirigisme économique. Mais si d'aventure le gouvernement Merkel changeait d'avis, le FDP, au plus mal dans les sondages, pourrait difficilement prendre le risque de claquer la porte et provoquer des élections anticipées.