Les marchés ont accentué leur pression sur l'Espagne jeudi, lui imposant un taux record pour se financer, à trois jours d'élections qui devraient porter au pouvoir un gouvernement de droite, dont le probable chef tente de rassurer en promettant une rigueur draconienne.
A 6,975%, le taux d'intérêt concédé par le Trésor, pour emprunter 3,563 milliards d'euros à dix ans, est non seulement très proche du seuil des 7%, considéré comme dangereux par les analystes, mais c'est aussi un record depuis la création de la zone euro, selon DowJones Newswires.
Lors de la dernière opération similaire, le 20 octobre, le taux n'était que de 5,433%.
Certes, la demande pour la dette espagnole est toujours là, dépassant jeudi les 5,5 milliards, mais devant les taux élevés le Trésor n'a placé qu'un montant dans le milieu de la fourchette souhaitée (3 à 4 milliards).
Cette hausse du coût d'emprunt était attendue, alors que l'Espagne vit depuis quelques jours un nouvel épisode de tension sur les marchés, victime d'un effet de contagion après la Grèce et l'Italie.
Indice de la méfiance des investisseurs, la prime de risque, surcoût que doit payer l'Espagne pour emprunter à dix ans par rapport à ce que paie l'Allemagne, référence en zone euro, a atteint jeudi un nouveau record, à 499,6 points.
Le taux des obligations espagnoles à 10 ans, sur le marché, a touché 6,749%, un plus haut depuis la création de la zone euro.
La bourse madrilène a quant à elle fini en baisse de 0,40%.
"L'Espagne se rapproche de la zone (d'un besoin) de sauvetage", réagissait le journal El Pais, exprimant un sentiment général parmi la presse espagnole.
Mais la ministre de l'Economie Elena Salgado a rétorqué que le pays ne risque "absolument pas" d'avoir besoin d'être secouru, dénonçant des "attaques" contre la dette souveraine espagnole et des pays de la zone euro.
La faute, peut-être, à un manque de soutien de la BCE: "Normalement, quand il y a une monnaie, il y a un gouvernement en soutien derrière", note Edward Hugh, économiste indépendant installé à Barcelone.
"Est-ce que la BCE va continuer à acheter (des obligations espagnoles et italiennes) ou est-ce que cela va être une autre formule? Il semble y avoir un silence complet en ce moment".
Le chef du gouvernement José Luis Rodriguez Zapatero a lui aussi exigé une "réponse immédiate" de l'Europe face à ces turbulences: "ce que nous voulons ce n'est pas qu'un, deux ou trois gouvernements prennent les commandes, mais que l'Europe le fasse".
Pour Alberto Roldan, analyste chez Inverseguros, la période électorale que vit l'Espagne n'est pas non plus étrangère à ce regain de pression: "En Grèce et en Italie, (les marchés) ont imposé un changement de gouvernement, et cela s'est passé, mais donc le risque se déplace vers un autre pays faible".
Et "l'Espagne ne peut offrir aucun type de mesure car il n'y a pas de gouvernement en fonction" et le prochain "ne pourra pas prendre de mesures avant le mois de janvier", prévient-il.
"Si les marchés perçoivent que (le nouveau gouvernement) ne va pas agir avec la détermination nécessaire, ils augmenteront encore la prime de risque espagnole et forceront le nouveau gouvernement à prendre plus au sérieux les mesures de rigueur", ajoute Daniel Pingarron, de la maison de courtage IG Markets.
Mais avant janvier, le nouvel exécutif peut "transmettre un message aux marchés", estime-t-il.
Le principal intéressé, le leader conservateur Mariano Rajoy, dont le parti est donné gagnant aux législatives, n'attend pas dimanche pour multiplier les paroles apaisantes.
Il "faudra faire des coupes partout" sauf dans les retraites, afin de tenir la prévision de réduction du déficit, a-t-il promis dans un entretien à El Pais.
"Tout le monde doit savoir que pour mon gouvernement, la priorité sera de tenir les engagements de l'Espagne à Bruxelles", a-t-il affirmé.
Au programme de son parti, le Parti populaire (PP), un "plan d'austérité qui impliquera toutes les administrations, éliminera les dépenses superflues et redondantes, et introduira des incitations à l'efficacité".