Carrefour, ArcelorMittal, Saint-Gobain: les projets de scission se multiplient à la Bourse de Paris depuis le début de l'année, des opérations destinées à doper le cours de l'action, mais qui ne sont pas sans danger en l'absence de stratégie industrielle à moyen terme.
La scission (ou spin-off) est une opération par laquelle une entreprise cotée scinde totalement ou partiellement une de ses activités afin de mieux la valoriser, cotant également sa nouvelle branche.
Fin janvier, le géant de la sidérurgie ArcelorMittal avait ouvert le bal en entérinant la séparation de sa branche "Aciers inoxydables" dans une nouvelle société, Aperam, cotée à Paris, Amsterdam et Luxembourg.
"Quatre ou cinq autres opérations sont prévues cette année sur le marché règlementé, contre une seule enregistrée en 2010", souligne-t-on chez NYSE Euronext. Accor s'était alors séparé de sa branche "Services", essentiellement les Tickets-restaurants, en créant Edenred.
Parmi les projets déjà sur les rails, Carrefour a annoncé mercredi vouloir la scission totale de son activité "hard discount" (Dia) et partiellement de sa foncière Carrefour Property. Saint-Gobain prépare une introduction en Bourse de son pôle d'emballage en verre Verallia, et Sopra Group vise une cotation de sa filiale Axway (logiciels) au deuxième trimestre.
"Les scissions ont le vent en poupe car la conjoncture est nettement meilleure qu'en 2010", souligne Renaud Murail, gérant d'actions chez Barclays Bourse.
"Les résultats d'entreprises sont globalement satisfaisants et l'appétit pour le risque est de retour (le CAC 40 a pris près de 7,5% depuis le 1er janvier, NLDR), ce qui encourage les entreprises", ajoute-t-il.
Ces opérations sont avantageuses pour les sociétés car souvent "synonymes de belle revalorisation", estime Arnaud de Champvallier, gérant d'actions chez Turgot Asset Management.
En effet, la somme des différentes entités cotées sera bien souvent supérieure à la cotation initiale de la société.
Ainsi le titre Accor - qui valait 37 euros lors de l'annonce du "spin-off" - cote aujourd'hui avec Edenred à plus de 53 euros au total.
De même, "trois jours après l’introduction en Bourse d’Aperam, la capitalisation boursière d’ArcelorMittal, la société mère était identique à sa valorisation avant la scission. Cela montre le succès d'une telle opération", souligne Marc Lefèvre, responsable des introductions en Bourse chez NYSE-Euronext.
"L'avantage est aussi pour l'entreprise de se recentrer sur son coeur de métier", tout en permettant à sa filiale de se développer beaucoup plus facilement et et de manière indépendante, souligne-t-il.
La décision de scinder une entreprise n'est toutefois pas sans danger.
"Il faut avant tout qu'il y ait une stratégie industrielle claire et que l'opération ne soit pas faite uniquement pour faire plaisir à tel ou tel actionnaire", commente M. Murail, qui juge très sévèrement le projet de Carrefour destiné selon lui "uniquement à satisfaire le groupe Arnault et Colony Capital" qui détiennent à eux deux 14% du capital du distributeur.
"On ne voit pas du tout l'intérêt de l'opération. Si la foncière Carrefour Property augmente les loyers des magasins, les bénéfices du groupe seront directement impactés, c'est ridicule", craint un analyste parisien.
Face à ces incertitudes, l'agence de notation financière Standard and Poor's n'a pas hésité à abaisser jeudi la note à long terme du distributeur (BBB+, contre A- auparavant).