L'idée d'un salaire minimum généralisé fait lentement son chemin en Allemagne, où des conservateurs du parti de la chancelière Angela Merkel se disent désormais prêts à discuter de ce qui fut longtemps un tabou.
"Nous voulons un niveau minimum salarial, décidé par les partenaires sociaux", selon un projet de motion qui doit être présenté au prochain congrès fédéral de l'Union chrétienne-démocrate (CDU), du 13 au et 15 novembre à Leipzig (est).
Ce ne serait donc pas les politiques qui fixeraient ce montant minimum, mais patronat et syndicats, conformément à la tradition allemande où les accords salariaux sont conclus entre ces deux acteurs, organisés par branche d'activité.
Selon l'ébauche de projet de la CDU, une commission de partenaires sociaux fixerait un niveau minimum valable pour toute l'Allemagne et pour tous les secteurs. Il s'orienterait sur celui fixé pour le travail partiel, qui est actuellement de 7,79 euros brut, à l'ouest, et de 6,86 euros, à l'est.
"La question n'est plus, est-ce que nous allons avoir un salaire minimum, mais comment négocier son niveau exact ?", a déclaré la ministre du Travail, Ursula von der Leyen (CDU), dans un entretien au quotidien Süddeutsche Zeitung.
"Angela Merkel est ouverte au débat. Elle estime qu'il s'agit d'une question de dignité au travail", a déclaré le porte-parole adjoint du gouvernement, Georg Streiter, lors d'un point presse lundi. Mais, pour l'instant, la discussion a lieu au sein du parti conservateur et non au sein du gouvernement, a-t-il précisé.
Selon le politologue Gerd Langguth, biographe de la chancelière, cette volte-face des conservateurs est "une manoeuvre tactique de Mme Merkel".
"C'était le seul sujet politique important où les sociaux-démocrates --SPD, principaux adversaires de la CDU-- marquaient des points dans les sondages", remarque-t-il. "Angela Merkel leurs coupe l'herbe sous le pied dans la perspective des législatives de 2013".
Les Libéraux, petit partenaire de coalition de la CDU, se sont dit prêts à en discuter tout en signalant leur opposition à l'intervention des politiques dans la fixation du montant.
Ces dernières années, des cas de caissières payées à peine plus de 5 euros bruts de l'heure avait indigné le pays.
Actuellement, il n'y a pas de salaire minimum généralisé en Allemagne, mais les partenaires sociaux ont la possibilité d'en fixer un, secteur par secteur: c'est déjà le cas pour le BTP, les personnels d'entretien ou encore les peintres en bâtiment. Ils concernent cependant seulement les entreprises qui ont signé les conventions collectives.
En partie grâce au développement des emplois précaires et faiblement rémunérés ces dernières années, l'Allemagne peut se targuer d'un niveau de chômage historiquement bas depuis la réunification du pays: 6,9% en septembre, en données corrigées des valeurs saisonnières (CVS).
"Près de 10% des actifs travaillent dans le secteur des bas salaires. Des rémunérations qui ne leurs suffisent pas pour vivre", estime Barbara Riedmüller, chercheuse de l'Université libre de Berlin.
"Et cela coûte cher aux contribuables, puisqu'il faut que l'Etat paye la différence", ajoute-t-elle, citant notamment parmi les métiers les plus touchés, les coiffeurs, équarrisseurs, personnels de sécurité, de l'hôtellerie et de la restauration.
Réclamé depuis longtemps par les syndicats, le salaire minimum généralisé est battu en brèche par les fédérations patronales qui affirment qu'il détruirait des emplois.
Les partis d'opposition, SPD, extrême-gauche (Die Linke), et Verts, se sont dits ouverts à la discussion avec la CDU, tout en réclamant des avancées concrètes.