Le taux du Livret A, au plus bas depuis un an, sera porté le 1er août à 1,75%, une hausse automatique liée à l'augmentation des prix mais qui tombe à pic pour le gouvernement, soucieux de ne pas mécontenter les épargnants en pleine réforme des retraites.
C'est le premier relèvement depuis août 2008 du taux de rémunération du placement préféré des Français, qui stagnait à 1,25% depuis un an, un plancher historique. Mais il reste loin des 4% atteints il y a deux ans.
"C'est une bonne nouvelle pour tous nos concitoyens", s'est félicitée mardi la ministre de l'Economie Christine Lagarde, qui en a fait elle-même l'annonce sur Radio Classique.
Pour une fois, le gouvernement n'a pas eu besoin de déroger à la formule automatique de calcul du taux du Livret A, instaurée en 2003 pour dépolitiser ce sujet sensible. Définie par la loi, elle prend en compte l'inflation et les taux d'intérêt à court terme.
Si les taux d'intérêt restent actuellement à un niveau très bas, la légère reprise des prix à la consommation, après leur reflux l'an dernier, dope un peu le taux du Livret A. L'inflation (hors tabac) a ainsi atteint 1,4% en juin sur un an, contre 1% en janvier.
Depuis janvier 2009, les autorités ont dérogé cinq fois à la formule pour éviter au taux de descendre trop brutalement ou trop bas, soucieuses de ménager les épargnants.
Et depuis août 2009, le gouvernement a décidé de ne pas le laisser descendre sous les 1,25%, alors que l'application de la règle de calcul aurait pu le ramener, un temps, autour de 0%.
Mais cette fois, "avec un taux d'inflation à 1,4 et la moyenne des taux d'intérêt, on arrive près de 1,75%. C'est quasiment l'application de la formule", a expliqué Mme Lagarde.
Deux fois par an, à la mi-juillet et à la mi-janvier, la Banque de France (BdF) calcule le taux du Livret A et peut recommander à la ministre, qui a le dernier mot, de ne pas l'appliquer si "des circonstances exceptionnelles" l'imposent.
Mais de l'avis de Christian Noyer, gouverneur de la BdF, il n'y avait pas lieu aujourd'hui "d'invoquer les circonstances exceptionnelles".
"D'un point de vue politique, l'application de cette règle tombe bien" au moment où le gouvernement tente de faire accepter sa réforme des retraites, relève Cyril Blesson, économiste du cabinet de conseil Seeds Finance, soulignant le caractère hautement "symbolique" socialement du Livret A.
Défiscalisé et "liquide" (l'argent n'est pas bloqué comme dans une assurance-vie ou un PEL), considéré comme sûr en période de crise, ce produit d'épargne est très prisé des Français. Et, depuis que sa distribution a été généralisée à toutes les banques en janvier 2009, il n'a jamais eu autant de succès.
Malgré la faiblesse historique de son taux, à un niveau jamais vu depuis sa création en 1818, il a connu des dépôts supérieurs aux retraits lors des quatre premiers mois de 2010. Fin mai, les sommes déposées sur le Livret A, détenu par 50 millions de Français, se montaient à 187,4 milliards d'euros.
Mais pour M. Blesson, la hausse du taux "brouille le message de politique monétaire" de la Banque centrale européenne (BCE) qui maintient une politique de taux bas pour stimuler la consommation et l'investissement et relancer l'économie.
Le Livret A fait "exception", note-t-il, dans un "environnement de taux d'intérêt à court terme très bas" voulu par la BCE pour "essayer de décourager l'épargne ou la réorienter vers des placements" comme les actions ou les obligations, qui financent les entreprises et les Etats.