Fruit d'une trêve politique difficile, le gouvernement d'union nationale de Lucas Papademos en Grèce va devoir rapidement mettre en oeuvre le nouveau tour de vis réclamé par ses créanciers, tout en s'efforçant d'apaiser un climat social encore tendu.
Samedi, la presse d'Athènes ayant quelque sympathie pour la nouvelle équipe saluait son arrivée avec espoir tout en reconnaissant que son ordre du jour était chargé et sa tâche ardue.
"Gouvernement d'entente et d'équilibre", titrait le quotidien libéral Kathimérini, tandis que le journal financier Naftémporiki soulignait que "la priorité du nouveau gouvernement sera la stabilisation de l'économie dans des conditions difficiles à l'intérieur et dans la zone euro", où l'Italie elle-même est maintenant menacée.
Le ministre grec des Finances, le socialiste Evangélos Vénizelos, numéro deux du gouvernement, maintenu à ce portefeuille clé, a dit espérer vendredi soir, peu après la nomination du gouvernement, que la sixième tranche du prêt consenti au pays en 2010 serait débloquée lors d'une réunion des ministres des Finances de la zone euro le 17 novembre.
Concernant la mise en oeuvre de l'accord de la zone euro du 26-27 octobre sur l'aide à son pays, M. Vénizélos a jugé "urgent le lancement, officiel et public (...), pas plus tard que lundi ou mardi prochain", de la procédure d'effacement partiel de la dette grecque détenue par les créanciers privés.
Ce plan, décidé en juillet puis renforcé fin octobre par la zone euro prévoit désormais une perte de 50% pour les détenteurs privés d'obligations grecques, qui doit permettre à la Grèce d'effacer 100 milliards sur une dette publique totale de plus de 350 milliards.
Le président français Nicolas Sarkozy et la chancelière allemande Angela Merkel ont insisté samedi auprès du nouveau chef du gouvernement sur "l'urgence de la mise en oeuvre complète et intégrale de tous les engagements pris" par Athènes. "Le versement de la prochaine tranche d'aide ne pourra intervenir que lorsqu'un pas décisif aura été accompli dans ce sens", selon un communiqué de la présidence française.
Si la poursuite des mesures d'assainissement budgétaire et le déblocage d'une tranche vitale de 8 milliards du premier prêt restent donc les grandes priorités d'Athènes, il va falloir néanmoins un grand talent manoeuvrier pour y parvenir sans trop de casse dans la rue et dans l'opinion.
A l'issue d'une éprouvante semaine de suspense politique, M. Papademos, ex-vice-président de la Banque centrale européenne, a pu former un gouvernement d'union entre la majorité socialiste (Pasok), la droite (Nouvelle Démocratie), deuxième formation parlementaire, et le petit parti d'extrême droite Laos.
Fort désormais d'une majorité tripartite de 254 députés sur 300 au parlement monocaméral, ce nouveau gouvernement va vouloir exploiter le retour à une certaine stabilité politique dans le pays --après une période troublée ayant culminé avec la démission du socialiste Georges Papandréou-- pour poursuivre la cure de rigueur.
Mais les deux autres partis parlementaires de gauche, le parti communiste (KKE) et la gauche radicale (Syriza), ont refusé de rejoindre cette coalition, s'opposant toujours à la politique de rigueur dictée par les créanciers du pays, l'UE et le FMI, en échange de leur soutien.
M. Papademos sait qu'il n'aura pas le temps de souffler. "Sur les questions économiques, ce gouvernement va certainement aller très vite, on aura avant fin décembre le vote du budget pour 2012 ainsi que l'adoption de l'accord du 26-27 octobre", a estimé pour l'AFP le politologue Ilias Nicolakopoulos.
Un premier test public attend le nouveau Premier ministre dès lundi, avec le discours de politique générale qu'il doit prononcer devant le Parlement suivi d'un vote de confiance des élus d'ici mercredi.
Sur le plan économique comme social, la poursuite de la récession avec un recul de 2,8% du PIB prévu pour 2012 et l'explosion du chômage, qui a atteint 18% en août, et leurs conséquences, ne lui permettront pas non plus d'observer la moindre pause.
Dès mardi, un arrêt de travail de trois heures est prévu à l'appel du syndicat de la fonction publique, l'Adedy, qui s'oppose à la hausse des impôts et au départ de 30.000 fonctionnaires prévu dans le cadre de lois récentes dites d'austérité, visant à la réduction du secteur public.
Jeudi, un autre défi attend le nouveau gouvernement, celui des manifestations traditionnelles du 17 novembre, jour de commémoration de la révolte estudiantine contre la junte des colonels en 1973, devenu ces dernières années une occasion de dénoncer l'austérité.