Près de 700 anciens salariés de l'usine Continental de Clairoix (Oise) ont obtenu gain de cause devant le conseil des prud'hommes de Compiègne, qui a invalidé vendredi le motif économique de leurs licenciements, ouvrant la voie à des indemnisations.
Cette victoire judiciaire avait toutefois un goût amer pour les quelque 200 ex-"Conti" réunis vendredi devant les prud'hommes, trois ans et demi après la fermeture de leur usine qui employait 1.120 personnes.
La direction de Continental a annoncé, dans un communiqué, qu'elle "étudie très sérieusement la possibilité de faire appel au sujet des 680 décisions rendues aujourd’hui par le Conseil des Prud’hommes de Compiègne".
"Cette victoire, c'est votre victoire à vous, vous avez enfin été récompensés, la société a été condamnée à tous les niveaux", a indiqué l'une des avocates, Me Alexandra Soumeire, aux salariés, qui ont accueilli la décision par des applaudissements et des cris de joie.
"C'est une victoire avec les larmes aux yeux (...), mais c'est une victoire quand même", a clamé Xavier Mathieu, ex-leader charismatique des "Conti", devant ses anciens collègues.
"On est très heureux, mais j'arrive pas à l'exprimer parce que ça laisse quand même un goût amer. Nous, on le sait depuis le début qu'il n'y avait aucune raison économique, que cette entreprise était viable", a-t-il ensuite déclaré à l'AFP.
Il a une nouvelle fois appelé de ses vœux une loi qui donne la possibilité aux salariés de contester les raisons économiques de leur licenciement avant d'être licenciés.
"Continental a été condamné pour défaut de motif économique et pour non-respect de leurs obligations de reclassement", a expliqué Me Soumeire aux salariés devant le conseil des prud'hommes, qui leur a octroyé "en moyenne 30 à 36 mois d'indemnités".
"C'est quand même des sommes énormes. Pour nous, c'est quand même une victoire, mais malheureusement, ça n'effacera pas le désastre social. Il y a eu plusieurs suicides, 250 divorces, des familles éclatées", a déclaré à l'AFP Antonio Da Costa, ex-délégué CFTC, très ému.
"Ces voyous de Continental ont pour la deuxième fois été condamnés", après un jugement du tribunal administratif, a-t-il lancé auparavant devant ses anciens collègues.
Pas de réintégration possible
"Ce que je retiens, c'est ce désastre. 500 d'entre vous sont toujours à Pôle emploi sans solution", a-t-il ajouté.
Le tribunal administratif d'Amiens avait annulé les licenciements de 22 anciens salariés protégés pour "défaut de motif économique" le 14 février dernier. Contrairement à ce jugement, la décision du conseil des prud'hommes ne permet pas de prétendre à une réintégration au sein de Continental.
Le conseil des prud'hommes a également estimé que le groupe n'avait pas respecté un accord de 2007 sur le temps de travail qui prévoyait un retour aux 40 heures hebdomadaires, contre le maintien de l'emploi dans le site jusqu'en 2012. Le conseil a aussi reconnu la société-mère allemande comme coemployeur et donc comme responsable des licenciements.
"Non seulement on fait reconnaître l'absence de toute justification économique de cette fermeture d'usine, mais aussi, et c'est pas banal, on fait condamner la maison-mère allemande, la structure qui décide (ces licenciements)", s'est réjoui Me Fiodor Rilov, un autre avocat des salariés.
"La société allemande est reconnue employeur. C'est elle qui doit assumer les conséquences du caractère illégal de cette décision (la fermeture de l'usine)", a-t-il ajouté.
L'équipementier avait fini par fermer son usine de Clairoix début 2010, après un âpre conflit social au printemps 2009 durant lequel la sous-préfecture de Compiègne avait été saccagée par des salariés en colère.
Le groupe a toujours affirmé que la fermeture de l'usine de Clairoix était inéluctable, invoquant la crise qui a frappé dès 2008 la filière automobile. Les salariés dénonçaient eux un effet d'aubaine.
"J'ai donné pratiquement toute ma vie de labeur à Continental. C'est un peu de soulagement et un peu de récompense, car j'ai beaucoup perdu. Je n'ai pas demandé à quitter l'usine, c'est eux qui m'ont mis dehors", a réagi Patrick Quint, 60 ans, dont 41 chez Continental.