Face à des offres de reprise jugées insuffisantes, le tribunal de commerce de Paris a placé mercredi la compagnie de ferries SeaFrance en liquidation judiciaire mais lui a laissé une dernière chance de trouver un repreneur.
La dernière société française à assurer la liaison maritime Calais-Douvres voit son activité maintenue jusqu'au 28 janvier 2012, selon le jugement du tribunal. La date de remise d'offres de reprises éventuelles est fixée au 12 décembre.
Deux repreneurs étaient en lice mais aucune des offres n'a convaincu les juges. La première émanait de Louis Dreyfus Armateurs (LDA), associé au groupe de ferries danois DFDS. Elle prévoyait la sauvegarde de 460 emplois équivalents temps plein, une renégociation de nouveaux accords collectifs "défavorables aux salariés" selon le tribunal, le maintien de SeaFrance sous pavillon français, la reprise de trois navires pour 5 millions d'euros et un investissement de 50 millions.
Les salariés étant opposés à cette proposition, "il y a donc un risque de conflit social grave", ont estimé les juges. Pour eux, les prix de reprise pour les bateaux étaient trop bas par rapport à leur valeur réelle et le fait que l'offre soit suspendue à l'accord de l'Autorité de la concurrence faisait peser une incertitude trop grande.
L'autre projet présenté par la CFDT, syndicat majoritaire chez SeaFrance, de créer une Scop (Société coopérative et participative) a aussi été recalé, le tribunal estimant ne pouvoir "adopter un plan dont le financement est inexistant".
Soulagement des salariés
L'avocat de la Scop, Me Fouad Barbouch, s'est dit mercredi convaincu qu'une reprise par les salariés était encore possible. "La seule chose qui manque, c'est le financement nécessaire au démarrage. Il faut 20 millions pour démarrer et on espère que les pouvoirs publics interviendront enfin dans ce dossier", a-t-il déclaré.
Message reçu par le ministre des Transports, Thierry Mariani. "Je serai samedi à Calais pour voir les délégués syndicaux et les élus locaux pour essayer ensemble de bâtir un plan de reprise", a-t-il indiqué mercredi soir sur I>Télé.
Louis Dreyfus Armateurs a dit de son côté n'avoir pas encore décidé s'il déposera une nouvelle offre ou non.
La décision du tribunal de commerce a été accueillie avec joie par les salariés de SeaFrance, qui emploie 880 salariés CDI et 200 CDD selon les saisons.
"C'est un grand soulagement pour tous les marins, avec le sentiment toutefois que nous avons encore plus de responsabilités maintenant sur les bras", a déclaré Didier Cappelle, secrétaire du syndicat CFDT maritime, tandis que des salariés faisaient éclater de gros pétards.
La direction de SeaFrance a en revanche annoncé qu'elle maintenait les navires à quai "jusqu"à nouvel ordre", "tant que des doutes subsisteront sur la sécurité des expéditions maritimes". La décision avait été prise mardi, la direction disant craindre pour la sécurité des passagers et du personnel, alors que certains syndicalistes avaient menacé de faire couler des navires.
L'avocat du CE de SeaFrance, Me Philippe Brun, a dénoncé une décision "illégale", équivalant à "condamner l'entreprise."
Les accès au port restaient fermés au public par les policiers mercredi. Les responsables syndicaux ont rencontré les marins restés à bord des bateaux bloqués à quai pour les informer des derniers développements.
SeaFrance, seule compagnie française à assurer la liaison Calais-Douvres face à la britannique P&O, souffre de la concurrence du tunnel sous la Manche ouvert en 1994. La crise économique de 2008-09 lui a porté un coup supplémentaire, l'obligeant à supprimer plus de 700 emplois en 2010 et à être placée en redressement judiciaire.