Les contours d'une initiative pour relancer l'activité en berne en Europe commencent à se dessiner mais le débat entre les dirigeants des Vingt-Sept, aux priorités souvent divergentes, n'est pas près d'être clos.
Le quotidien espagnol El Païs a évoqué dimanche une sorte de "Plan Marshall" à l'échelle européenne qui serait capable de mobiliser 200 milliards d'euros d'investissements publics et privés pour des projets d'infrastructure, les énergies renouvelables et les technologies de pointe.
A en croire le journal, cette initiative inclut plusieurs pistes déjà discutées depuis plusieurs mois par les Européens: de grands emprunts européens (sous forme d'euro-obligations), un rôle accru de la Banque européenne d'investissement (BEI) et l'intervention du Mécanisme européen de stabilité financière (EFSM), une enveloppe gérée par la Commission européenne et gagée sur le budget de l'Union.
Toutefois, une responsable européen interrogé cette semaine par l'AFP a indiqué qu'il était encore "trop tôt" pour donner des estimations chiffrées.
Une chose est sûre: les lignes ont commencé à bouger, sous l'impulsion en particulier du favori des sondages à l'élection présidentielle française, François Hollande, qui a remis la croissance au centre des débats.
La chancelière allemande Angela Merkel, championne de la réduction des déficits au plus fort de la crise de la dette en zone euro, adoucit son discours.
"Nous préparons un agenda croissance pour le sommet européen de juin", a-t-elle déclaré samedi. Programmé de longue date, ce sommet, qui se tiendra les 28 et 29 juin à Bruxelles, s'annonce comme un moment charnière.
Les propositions concrètes pourraient commencer à être discutées en réalité avant la fin juin, lors d'un "dîner informel" des chefs d'Etat et de gouvernement de l'UE, dont la tenue probable a été annoncée jeudi par le président de l'UE, Herman Van Rompuy. Elle interviendra après le second tour de l'élection présidentielle française, le 6 mai.
Le candidat socialiste s'est félicité samedi de l'évolution de Mme Merkel. "Qu'est-ce qu'elle disait encore il y a quelques semaines? Qu'elle ne voulait même pas entendre parler de mots comme celui de la croissance, tant elle était attachée à celui de l'austérité. Ca bouge et ça bougera encore après l'élection", a lancé M. Hollande.
Mais Mme Merkel a démenti toute volte-face de sa part. Les mesures de relance "sont à l'agenda dans l'UE depuis l'an passé" et "plusieurs Conseils européens (sommets de l'UE, ndlr) s'en sont déjà très concrètement occupés", a-t-elle insisté.
Elle a aussi de nouveau averti qu'il n'était pas question de renégocier le pacte budgétaire européen comme l'a encore réclamé ce week-end M. Hollande. Elle sera aidée en cela par le patron de l'Eurogroupe, le Premier ministre luxembourgeois Jean-Claude Juncker, décidé à convaincre le socialiste s'il était élu.
"L'idée que l'on puisse renégocier le pacte du sol au plafond et en retirer des éléments substantiels est un rêve", a-t-il expliqué dimanche.
Sur le fond, la chancelière a réitéré son opposition à une approche "keynésienne" de relance par les dépenses publiques. "La croissance ne coûte pas forcément de l'argent" et doit passer par des "réformes structurelles", notamment en flexibilisant le marché de l'emploi, selon elle. Une analyse à contre-courant de celle de M. Hollande.
Le candidat socialiste gagne néanmoins des alliés en Europe.
Lors d'un passage à Bruxelles cette semaine, M. Monti a relancé le débat sur une évaluation plus différenciée des déficits publics des pays européens. A ses yeux, les pays réalisant des investissements stratégiques d'avenir devraient obtenir une certaine clémence.
Il y a quelques années, la France avait milité pour une modification en ce sens du Pacte de stabilité européen. Mais elle s'était heurtée à l'opposition catégorique de l'Allemagne.