Les prix du riz, restés l'an dernier à l'écart de l'envolée des cours des produits agricoles, s'emballent à leur tour sur les marchés, menaçant d'une crise alimentaire les populations les plus pauvres d'Asie et d'Afrique.
Alors que le blé et le maïs ont vu leur cours monter d'environ 50% en 2010 sur la Bourse des matières premières de Chicago, le CME, ceux du riz ont perdu 4% sur cette période. La tonne s'y échange actuellement sous 350 dollars, contre un record à environ 550 dollars en avril 2008.
L'Agence de l'ONU pour l'alimentation et l'agriculture, la FAO, dresse le même constat. Alors que son indice des prix alimentaires se situe à un niveau record, la tonne de riz, estimée à 542 dollars en moyenne en janvier dans le monde, reste 45% moins chère que son record de mai 2008.
La différence entre la flambée actuelle des cours des produits alimentaires et les émeutes de la faim de 2008, "c'est que les prix du riz n'ont pas augmenté de manière aussi spectaculaire", relevait dans une note début février John Kruse, économiste agricole au cabinet Global Insight.
Une différence de taille, quand on sait que le riz constitue l'aliment de base pour plus de trois milliards de personnes, soit la moitié de la population de la planète, selon l'Institut international de recherche sur le riz (IRRI).
"En Asie, tout le monde mange du riz", résume Concepción Calpe, économiste à la FAO.
En Afrique, "les populations rurales peuvent compter sur des produits locaux comme le manioc", précise-t-elle à l'AFP. "Quand les prix internationaux augmentent, ce sont les populations urbaines qui souffrent davantage, ce qui est dangereux au niveau politique parce qu'elles ont tendance à faire plus de bruit".
Contrairement aux autres cultures agricoles, victimes de sécheresse ou d'inondations selon les pays, le riz n'a subi aucune catastrophe climatique majeure cette année.
L'offre a donc amplement suffi l'an dernier à répondre à la demande de la planète, et a même permis d'accumuler des stocks.
Malgré tout, les cours ont entamé l'année sur des chapeaux de roue. En janvier, ils ont pris de 10% sur le CME, renouant avec leurs plus hauts niveaux en plus d'un an.
Les opérateurs du marché se rendent compte qu'aux Etats-Unis, important exportateur, "les agriculteurs vont réduire de manière significative leurs semis, au profit d'autres cultures comme le maïs, le soja et le coton", désormais plus rémunératrices, explique Bill Nelson, analyste à la firme de conseil agricole Doane Advisory Services.
Le riz est aussi entraîné par l'emballement général des prix alimentaires.
"Il y a un sentiment général de crainte de ne pas pouvoir trouver les approvisionnements nécessaires si on attend trop", constate Concepción Calpe. "Certains pays sont en train d'accélérer leurs importations, cette attitude ne fait qu'alimenter la montée des prix".
Selon la FAO, les prix atteignent déjà des records dans certains pays asiatiques, comme le Bangladesh ou l'Indonésie, des pays à forte croissance économique.
"Dans les pays très pauvres, quand les familles voient leurs revenus augmenter, cela se répercute immédiatement sur les prix parce que les gens achètent plus d'aliments", note Mme Calpe.
"Très peu de pays exportent du riz", souligne de son côté Maximo Torero, de l'International Food Policy Research Institute, une organisation basée à Washington.
Selon les estimations du ministère américain de l'Agriculture, la Thaïlande, le Vietnam, le Pakistan, l'Inde et les Etats-Unis concentrent plus de 80% des exportations de la planète.
"Si l'un de ces pays subissait un choc climatique, cela aurait un effet immédiat sur les prix", prévient-il.