La Commission européenne a relancé mercredi le débat sur la création à terme d'euro-obligations face aux risques de crise de la dette, en revendiquant en échange un droit d'intrusion renforcé dans les budgets nationaux, deux propositions qui suscitent déjà la controverse.
"Sans une gouvernance économique renforcée, il sera difficile sinon impossible de maintenir une monnaie commune", a prévenu le président de la Commission, José Manuel Barroso, devant la presse.
Si les nouvelles propositions sont adoptées par les gouvernement et le Parlement européens, tous les pays de l'Union monétaire devront soumettre leurs projets annuels de budget à la Commission et à l'Eurogroupe - le forum des ministres des Finances des 17 Etats de la zone euro - avant le 15 octobre de l'année précédant l'exécution du budget.
Si un projet de budget dévie de la limite européenne de déficit de 3% du PIB, "la Commission aura le droit de donner son opinion et de demander des changements", a expliqué M. Barroso.
Quant aux Etats déjà placés en procédure de déficit excessif, ils feront l'objet d'un contrôle encore accru de la Commission qui pourra demander des corrections.
Une quasi-tutelle est prévue pour les Etats les plus fragiles, ceux dépendant d'une aide extérieure comme aujourd'hui la Grèce, le Portugal ou l'Irlande, mais aussi ceux dont la situation précaire risque de déstabiliser toute la zone euro. Ils seront sous "surveillance étroite de la Commission, en lien avec la Banque centrale européenne".
Ces projets promettent des débats animés dans les Parlements nationaux. Il a déjà suscité des remous au Parlement européen où l'élu eurosceptique tchèque Jan Zahradil a dénoncé "une forme de dictature budgétaire dirigée depuis Bruxelles, Francfort, Paris et Berlin".
M. Barroso a répondu en soulignant que les parlements nationaux "auraient le dernier mot".
En échange d'une discipline de fer, la Commission fait miroiter une plus grande solidarité financière dans la zone euro via la création d'euro-obligations, présentées aussi mercredi.
La création de ce mécanisme de mutualisation des emprunts publics des pays de la zone euro "pourrait apporter des bénéfices énormes", selon M. Barroso.
Trois options sont détaillées par Bruxelles: "la plus efficace" consisterait à remplacer les emprunts obligataires nationaux émis séparément par les 17 membres de la zone euro par des euro-obligations bénéficiant de garanties communes.
Une option intermédiaire serait de créer des euro-obligations bénéficiant de garanties communes mais couvrant une partie des besoins de refinancement des Etats.
La troisième, et la seule qui ne nécessiterait pas un changement de traité européen, consisterait en euro-obligations qui se substitueraient partiellement aux obligations nationales et pour lesquelles chaque Etat serait tenu d'apporter des garanties.
Pour la chancelière allemande Angela Merkel, se pencher sur cette question avant d'avoir réalisé une plus étroite intégration économique de la zone euro, c'est "atteler la charrue avant les boeufs".
M. Barroso a vu dans ce commentaire un signe d'ouverture: "cela signifie qu'il n'y a pas d'opposition de principe", a-t-il dit.
Mais le manque d'enthousiasme de Mme Merkel semblait partagé mercredi. Pour le ministre néerlandais des Finances, Jan Kees de Jager, les euro-obligations ne sont "pas une solution magique" et elles pourraient même aggraver la crise actuelle.
"Je ne suis pas contre", a dit pour sa part le Premier ministre portugais Pedro Passos Coelho, "mais y voir une solution de court ou moyen terme serait, me semble-t-il, se leurrer".
Quant au patron de la fédération des banques privées allemandes BdB, Andreas Schmitz, il pense que "les eurobonds sont la mauvaise solution", et qu'"aucun des modèles présentés (par) la Commission ne peut convaincre".