L'administration fiscale va désormais pouvoir obtenir des banques davantage d'informations sur les mouvements de fonds réalisés par des contribuables français vers l'étranger, une évolution qui doit faciliter la chasse aux évadés fiscaux.
L'administration fiscale ou douanière pouvait déjà réclamer, de manière ponctuelle, des données relatives à des transferts d'argent émanant d'un individu et d'un compte qu'elle devait identifier précisément.
En application d'un décret, publié le 1er septembre et relevé vendredi par La Tribune, elle va désormais pouvoir demander des listes de mouvements sans avoir à identifier les clients concernés.
Cette adaptation avait été souhaitée par l'ancien ministre du Budget, Eric Woerth, aujourd'hui ministre du Travail.
Il avait entamé des négociations en ce sens avec les représentants des banques en septembre 2009, au lendemain de la transmission au fisc français d'une liste de 3.000 contribuables français détenant des comptes non déclarés en Suisse.
M. Woerth souhaitait que la réforme des textes législatifs permette de rendre plus régulière les demandes de l'administration fiscale auprès des banques.
La démarche s'inscrivait dans le cadre d'un renforcement du cadre législatif de nature à identifier et dissuader les pratiques d'évasion fiscale vers l'étranger. Plusieurs articles de loi ont d'ailleurs été modifiés en ce sens dans le projet de loi de finance rectificative 2009 adopté fin décembre.
Interrogés par l'AFP, plusieurs banquiers ont estimé, sous couvert d'anonymat, que le décret publié début septembre n'amène "rien de fondamentalement nouveau", faisant valoir que la possibilité du contrôle existait déjà, même si elle est élargie.
De sources concordantes, aucune demande de liste n'a encore été transmise à un établissement bancaire. Selon La Tribune, le dispositif de transmission sécurisée des listes ne sera, de toutes façons, pas opérationnel avant la fin de l'année.
"C'est un vrai outil, ce n'est pas de l'affichage", considère Pascal Saint-Amans, spécialiste des paradis fiscaux à l'Organisation de coopération et de développement économiques (OCDE).
Pour l'avocat fiscaliste Frédéric Naïm, l'effet sera limité, dans la mesure où les particuliers français ayant des avoirs hors de France utilisent le plus souvent des moyens détournés pour alimenter ou créer des comptes à l'étranger, sans passer par leurs comptes français.
Une assertion contestée par M. Saint-Amans, qui indique que de nombreux pays, dont l'Irlande, sont parvenus à identifier des contribuables contrevenants par ce biais.
"Du fait de l'existence du secret bancaire, les gens avaient pris l'habitude de transférer depuis leur compte", explique-t-il. La récente multiplication des accords de coopération fiscale entre Etats a permis de largement écorner le secret bancaire, même si plusieurs experts les jugent encore insuffisants.
"Cela va conduire à changer les habitudes. Un transfert, c'est simple. Procéder autrement, c'est très compliqué", fait valoir M. Saint-Amans.
Il y a un an, Eric Woerth avait évoqué une fourchette de 100.000 à 150.000 fraudeurs qui auraient des comptes non déclarés à l'étranger, tout en précisant qu'une estimation était très difficile à établir.
Entre avril et fin décembre 2009, Bercy avait mis en place une cellule fiscale pour permettre aux évadés fiscaux de régulariser leur situation en échange de pénalités moins lourdes.
Elle a permis d'examiner 4.000 dossiers et de recouvrer entre 1 et 1,5 milliard d'euro de recette fiscales.