Les principaux producteurs de farine français et allemands ont été condamnés mardi par l'Autorité française de la concurrence à de lourdes amendes d'un total de 242,4 millions d'euros pour une série d'ententes illégales sur les prix au détriment des consommateurs.
L'Autorité de la concurrence estime dans son avis que ces séries d'ententes ont provoqué pour le consommateur un surcoût final de 11% pour ce produit "de consommation courante indispensable" dont la demande dépend peu du prix.
Le premier volet de ces ententes concerne deux groupements de meuniers français: France Farine (marque Francine), qui assure pour ses actionnaires la vente de farine en moyenne et grande distribution, et Bach Mühle, qui gère les ventes auprès du hard discount.
Pour l'Autorité, si "les entreprises communes ne sont pas interdites de manière générale", ces groupements avaient pour "objet réel une entente sur les prix et la répartition des clients", "éliminant toute forme de concurrence entre les meuniers, particulièrement sur la farine de marque Francine".
Pour cette entente qui dure depuis 1965, date de la création de France Farine, sept meuniers ont écopé d'une amende de 146,9 millions d'euros: Axiane Meunerie, Euromill Nord, Grands Moulins de Paris, Grands Moulins Storione, Grands Moulins de Strasbourg, les Minoteries Cantin et les Moulins Soufflet (ces derniers pour leur appartenance à Bach Mühle).
"Nous contestons les faits et nous allons faire appel", a déclaré à l'AFP Elina Benigni, porte-parole des Grands Moulins de Paris, qui produisent notamment la baguette Campaillette.
"Nous sommes stupéfaits de la décision de l'Autorité et du niveau des montants de l'amende", a réagi de son côté Thierry Renard, porte-parole d'Axiane Meunerie, qui a écopé de la plus grosse amende et va également faire appel.
René Kuntz, directeur commercial des Grands moulins de Strasbourg, s'est déclaré "surpris" par la sanction mais a indiqué à l'AFP qu'il ne souhaitait pas réagir "à chaud"..
Le groupe alsacien a tourné la page de la marque Francine en janvier en revendant ses parts dans France Farine, passée alors à 100% dans le giron de Nutrixo, un groupe créé en 2001.
France Farine, qui détenait plus de la moitié des parts de marché du secteur en valeur, est également mise en cause dans une deuxième affaire d'entente qui concerne cette fois des producteurs et des groupes de meuniers français et allemands.
Les membres de ce cartel franco-allemand se sont entendus pour limiter les échanges de farine entre les deux pays entre 20O2 et 2008, en fixant un quota de 15.000 tonnes par an, et plus ponctuellement, pour lisser les prix.
Il constitue "l'une des infractions les plus graves aux règles de concurrence", estime l'Autorité.
L'enquête est partie du meunier allemand Werhahn (2e groupe meunier en Allemagne), qui s'est dénoncé et a donc été exonéré d'amende.
En limitant l'entrée sur le marché français des meuniers allemands, plus compétitifs, les producteur nationaux ont pu conforter leur entente en France, "pratiquer des prix supraconcurrentiels" et ils "n'ont pas procédé aux améliorations de leur outil de productions", lésant ainsi les consommateurs français, selon l'Autorité.
Les membres du cartel ont été condamnés à 95,5 millions d'euros d'amende. Parmi eux, on retouve côté français France Farine, Bach Mühle, Grands Moulins de Paris, Grands Moulins de Strasbourg et Axiane Meunerie. Côté allemand, les groupes mis en cause sont Bindewald, Bliesmühle, Flechtorfer, Friessinger, Heyl, Mills United, Saalemühle et VK Mühlen.
D'autres procédures sont en cours en Allemagne, aux Pays-Bas et en Belgique.
Par ailleurs, une instruction sur les pratiques des meuniers dans la boulangerie artisanale donnera lieu à une autre décision, a indiqué l'Autorité.
Le marché de la farine conditionnée en paquets de 1 kg est estimé à 200.000 tonnes par an en France, soit moins de 5% du marché global.