Après sa tournée des grands pays émergents, la ministre française de l'Economie, Christine Lagarde, fait campagne pour la tête du FMI auprès des grands argentiers africains à Lisbonne vendredi, date butoir pour les candidatures et journée cruciale pour son avenir judiciaire.
Mme Lagarde assiste dans la capitale portugaise aux assemblées annuelles de la Banque africaine de développement (BAD), au moment où la Cour de justice de la république (CJR) est susceptible en France d'ouvrir une enquête qui ternirait sa candidature.
La CJR se réunit vendredi matin à Paris pour décider de la suite à donner aux accusations d'abus d'autorité visant la ministre pour sa gestion du litige entre l'ex-homme d'affaires Bernard Tapie et la banque Crédit Lyonnais au sujet de la vente, en 1993, d'Adidas.
La justice peut soit ouvrir une enquête formelle, soit classer l'affaire sans suite. Soit reporter sa décision à une date ultérieure. Or le Fonds monétaire international veut choisir son directeur général avant la fin du mois.
Tout au long de sa tournée mondiale, Christine Lagarde s'est efforcée de faire valoir à ses interlocuteurs qu'une enquête serait une étape normale, affichant sa "conscience totalement tranquille" et annonçant qu'elle maintiendrait sa candidature quoi qu'il en soit.
A Lisbonne, elle devait tenter d'engranger des soutiens africains alors que l'Union africaine a jugé jeudi qu'il était "temps" pour un des siens "d'être à la tête du FMI".
La campagne de la candidate, avocate d'un "libéralisme tempéré", a démarré en fanfare le 25 mai, une semaine après la démission de son compatriote Dominique Strauss-Kahn, inculpé pour tentative de viol à New York.
Immédiatement, elle a été adoubée par les Européens. Et la France a profité du sommet du G8 à Deauville pour plaider sa cause auprès des Etats-Unis, du Japon, du Canada et de la Russie - avec succès, assure Paris.
En tournée express autour du globe, celle qui est donnée favorite a enchaîné, de Brasilia à Pékin en passant par New Delhi, les rencontres, les poignées de mains et les déclarations sans obtenir le moindre soutien officiel.
Son principal concurrent, le gouverneur de la Banque du Mexique Agustin Carstens, n'a pas fait mieux. L'autre candidat déclaré, le Kazakh Grigori Martchenko, semblait vendredi sur le point de jeter l'éponge, jugeant la nomination de la Française quasiment "acquise".
Christine Lagarde a donné des gages aux puissances émergentes, agacées par le répartition tacite des postes qui a permis aux Européens de diriger le FMI et aux Américains de présider la Banque mondiale sans discontinuer depuis 1946.
Au Brésil, elle a promis un "approfondissement" des réformes engagées par Dominique Strauss-Kahn pour donner plus de poids aux émergents. A New Delhi, elle a défendu sa compétence et son expérience face à la crise mondiale et au sein du G20.
A Pékin enfin, la ministre a évoqué le problème du yuan, largement sous-évalué, avec des mots encourageants, se gardant de sermonner le géant asiatique: l'appréciation récente de sa monnaie est "positive" et doit se poursuivre.
Surtout, et c'est peut-être la clé du choix du patron du FMI bien que Paris se défende de tout marchandage en coulisses, elle a laissé entrevoir aux Chinois la possibilité d'occuper un poste important au sein de la future direction de l'institution de Washington. Ce "serait très légitime", a-t-elle jugé.
Sur Twitter, où elle est devenue très active depuis sa candidature, elle n'a pourtant pu revendiquer que l'appui de pays peu déterminants pour la nomination finale (Bahrein, République démocratique du Congo, Tchad, Guinée...).
Mais Paris assure que les soutiens cruciaux interviendront après la clôture de candidatures.