Le ministre syrien de l'Economie et du Commerce Mohamad Nedal Alchaar a reconnu, dans un entretien exclusif à l'AFP, que la Syrie connaissait la pire crise économique de ces dernières années, mais pouvait la surmonter en faisant des progrès en terme d'autosuffisance.
"Ce n'est pas une crise facile du tout. Je pense que c'est la pire dans notre histoire récente parce qu'elle affecte directement le citoyen, touche les gens de la rue, les usines, la communauté des affaires, elle frappe tout le monde et c'est totalement injuste", a affirmé mercredi M. Alchaar.
Les Etats-Unis et l'Union européenne ont adopté des sanctions économiques sévères contre la Syrie à la suite de la répression sanglante de la contestation contre le régime de Bachar al-Assad qui a fait, selon l'ONU, plus de 3.500 morts depuis la mi-mars.
La Ligue arabe devrait emboîter le pas et prendre à son tour jeudi des mesures de rétorsion économiques qui risquent d'étouffer la Syrie car la moitié de ses exportations et près d'un quart de ses importations se font avec les pays arabes.
"Si cela se produit, ce sera vraiment malheureux (...) Cela causera certainement des dommages sévères à la Syrie, mais aussi aux autres pays arabes", a-t-il souligné.
Cet homme de 54 ans, qui a fait ses études aux Etats-Unis où il a obtenu un doctorat en économie monétaire, doute que les sanctions feront l'unanimité parmi les pays arabes. "Nous sommes à peu près sûr que certains n'y adhèreront pas", a-t-il martelé.
Dans un entretien au quotidien économique saoudien al-Iktissadia, le secrétaire général adjoint de la Ligue arabe pour les affaires économiques, Mohammad Twaijri, a annoncé une panoplie de mesures visant à asphyxier le pays.
"Il s'agit notamment des transferts bancaires, du blocage des avoirs (syriens) dans les pays arabes, de l'arrêt des projets arabes ou arabo-syriens et de la suspension de la Syrie du GAFTA" (zone de libre-échange arabe), selon lui.
Face à cette crise, M. Alchaar préconise un repli sur soi: "Il faut dépendre plus de nos ressources intérieures (...), se concentrer sur la mise en valeur de nos richesses".
"Nous devons devenir plus efficaces en terme d'autosuffisance. Il faut être plus efficient dans la distribution de nos ressources, dans notre production, dans la gestion de nos usines", a-t-il souligné.
Il a indiqué qu'il fallait notamment mettre l'accent sur l'agriculture et l'agroalimentaire qui ont été négligés ces dernières années et relancer les usines dont beaucoup ont fermé à la suite de l'accord de libre-échange avec la Turquie. "C'est très important de les rouvrir et d'avoir un plan pour créer du travail. C'est la tâche du gouvernement".
Mais il a formellement démenti le retour aux années 80 quand l'économie syrienne vivait en autarcie et dans un système dirigiste socialisant. "Nous n'avons pris aucune mesure en ce sens et nous n'avons aucune intention de le faire".
"Nous allons laisser le secteur privé, qui représente 73% de notre économie, travailler avec flexibilité et gérer ses propres affaires. Nous faisons confiance à notre communauté d'affaires et le gouvernement doit se contenter d'être un animateur", a-t-il souligné
Le ministre, qui a fait la majeure partie de sa carrière dans le secteur privé, n'est pas inquiet de la baisse de la valeur de la monnaie nationale alors que le dollar s'échange autour de 55 livres syriennes au marché parallèle contre 50 il y a un mois.
Pour M. Alchaar, la dévaluation n'est pas dramatique si elle "va de pair avec la réouverture des usines, une croissance de l'emploi, un bon approvisionnement de la population", ainsi qu'une stimulation de l'économie et des embauches.
Selon lui, cette année, les exportations baisseront de 20% et les importations de 30 à 40%. "La dévaluation est bonne pour les exportations. Cela devient dangereux si les importations s'accroissent plus vite que les exportations mais ce n'est pas le cas", a-t-il affirmé.