Le départ du PDG de General Electic (GE) Jeff Immelt symbolise le besoin de renouveau de l'industrie traditionnelle américaine qui, après avoir tourné la page de la crise financière, doit s'adapter à la révolution technologique qui transforme des pans entiers de l'économie.
Jeff Immelt, 61 ans, qui avait pris les commandes du conglomérat industriel le 7 septembre 2001, soit quatre jours avant le 11-Septembre, va céder les rênes le 1er août à John Flannery, 55 ans.
Si ce changement est présenté par le groupe de Boston (nord-est) comme une succession longuement planifiée depuis 2011, il intervient au moment où l'entreprise est sous pression d'un influent financier américain, Nelson Peltz, et que son action peine en Bourse.
Lorsque Jeff Immelt a pris les rênes, le titre s'échangeait à 39,66 dollars, contre 27,94 dollars vendredi soir. Il a perdu 29,55%, alors que le titre du concurrent Honeywell (NYSE:HON) a gagné sur la même période 276,4% et celui de United Technologies 267,6%.
"Le cours de l'action a franchement toujours été le handicap de Jeff Immelt", résume Briefing.com, observant que le cours a bondi de plus de 3% suivant l'annonce de son remplacement.
M. Immelt est le dernier en date des grands patrons de l'industrie américaine, bousculée actuellement par la Silicon Valley, qui doit cèder son fauteuil après avoir dirigé son entreprise lors de la crise financière.
Il y a quelques semaines, c'est Mark Fields de Ford qui avait été poussé vers la sortie, afin de réagir aux menaces posées par le constructeur californien des véhicules électriques et autonomes Tesla. En quête également de second souffle et de réponses nouvelles face à la transformation de leur secteur respectif, Caterpillar (NYSE:CAT) et Honeywell ont également changé de patron.
- Innovations -
Les innovations technologiques avec l'intelligence artificielle, la réalité augmentée, l'internet des objets, l'impression en 3D entre autres, sont en train de permettre à la Silicon Valley de s'aventurer dans les domaines industriels qui étaient pendant des années des chasses gardées des grands noms de l'économie américaine.
Jeff Immelt est devenu PDG de GE au terme d'une lutte fratricide contre Jim McNerney et Bob Nardelli, orchestrée par son prédécesseur Jack Welch, un des "barons" de l'industrie américaine.
Carrure imposante, le verbe facile, il s'est attelé à détricoter l'héritage de son prédécesseur pour limiter les dégâts causés par l'exposition de GE Capital, bras financier de la société, à la crise des "subprime". Dans cette optique, il a cédé de nombreux actifs dont NBC Universal et l'électroménager et a liquidé GE Capital.
A l'inverse, M. Immelt a fait le pari de recentrer GE sur ses racines industrielles (turbines à gaz, centrales électriques, moteurs d'avions, équipements médicaux) en rachetant le pole énergie du fleuron français Alstom (PA:ALSO) et le groupe de services pétroliers américains Baker Hughes.
Mais le plongeon des prix du pétrole au printemps 2014 a déréglé cette mécanique visant à simplifier le conglomérat pour le rendre plus efficace.
Son départ est " bienvenu" car les "investisseurs étaient de plus en plus frustrés de voir que la promesse d'une structure opérationnelle moderne était lente à porter ses fruits"", estime Briefing.com, tandis que les analystes de JPMorgan espèrent que le nouveau PDG va "réinitialiser" les choses, "nettoyer les comptes", et donner un "nouvel élan".
- Moins de com -
Jugé "solide" et comme le "bon choix", John Flannery, son successeur, a promis d'écouter investisseurs, salariés et clients.
Beaucoup s'attendent à ce qu'il centralise moins les pouvoirs, conforte les patrons des divisions et passe rapidement en revue le portefeuille d'activités.
Ce quinquagénaire, qui a passé quasiment la moitié de sa carrière à diriger les activités à l'international (Inde et Argentine notamment) est crédité d'avoir joué un rôle "important" dans l'acquisition "réussie" du groupe français Alstom. Il pourrait à court terme donner l'indépendance aux activités énergétiques et à celles liées à la santé.
"Nous sommes disposés à écouter et à apporter un jugement neuf aux changements et apprécierons également un discours beaucoup plus franc et direct et moins de marketing et communication", souligne JPMorgan.
S'ils saluent le changement, d'autres experts auraient préféré une rupture radicale avec la direction passée et regrettent ainsi que le nouvel "élu" ait fait partie de l'équipe sortante dont il partageait la stratégie.
"Ce n'est pas vraiment ce que j’appellerai un changement radical", regrette Brian Langenberg chez Langenberg & Co. Pour lui, M. Flannery, qui travaille chez GE depuis 30 ans, ne fera qu'intégrer les acquisitions effectuées par Jeff Immelt, au lieu de dessiner une nouvelle vision.