Promise à l'horizon 2014 par le Premier ministre français François Fillon, la baisse drastique du déficit public français, qui a explosé à la faveur de la crise, sera difficile à réaliser sans réduire fortement les dépenses et sans augmenter les impôts, estiment des économistes.
M. Fillon a annoncé qu'il présenterait "début 2010 au Parlement une stratégie de finances publiques" visant à "descendre en dessous des 3% de déficit à l'horizon de 2014, au prix d'ajustements très importants".
Sans préciser la teneur de ces "ajustements", il s'engage même à "progresser parallèlement à l'Allemagne" pour ramener les comptes publics (Etat, comptes sociaux, collectivités locales) à l'équilibre en 2016.
Cette échéance pour le retour au respect des règles européennes est plus ambitieuse que celle inscrite dans le budget 2010. Le gouvernement prévoyait jusqu'ici de ramener le déficit public du niveau record de 8,5% du produit intérieur brut (PIB) attendu l'an prochain à 5% en 2013. Pour cela, il tablait sur une croissance économique de 2,5% par an à compter de 2011.
"Cette hypothèse de croissance était déjà difficile à atteindre", relève Pierre-Olivier Beffy, économiste chez Exane BNP Paribas. Selon lui, pour tenir ces engagements, il faudra "de vraies réformes en termes de fiscalité et de dépenses publiques".
"Même si le gouvernement persiste à dire qu'il n'augmentera pas les impôts, cette voie semble très difficilement tenable", estime cet expert.
Jacques Delpla, membre du Conseil d'analyse économique auprès du Premier ministre, juge aussi que le gouvernement ne devrait pas pouvoir faire l'économie d'une hausse des prélèvements obligatoires, au moins pour contenir le déficit de l'assurance maladie dont les coûts sont appelés à croître.
"Le gouvernement a toujours dit clairement qu'il n'augmenterait pas les impôts", insiste-t-on toutefois dans l'entourage de la ministre française de l'Economie Christine Lagarde. Selon Bercy, les recettes fiscales, qui ont "surréagi à la récession" et se sont effondrées, pourraient "surréagir à la reprise", ce qui permettrait de résorber mécaniquement une partie du déficit.
"Pour le reste, nous poursuivons les réformes structurelles", ajoute-t-on. Le prochain rendez-vous concerne les retraites, dès 2010.
Ces dernières années, l'exécutif a plusieurs fois annoncé des objectifs de réduction des déficits qu'il n'a pas tenus par la suite.
"Tous les gouvernements cherchent à avoir un discours rassurant sur les déficits pour éviter une hausse des taux à long terme, qui renchérirait le coût de la dette", explique Pierre-Olivier Beffy.
L'annonce de M. Fillon intervient aussi au moment où la Commission européenne, qui a revu à la hausse ses prévisions de croissance, s'apprête, après un an de répit pour cause de crise, à remettre la pression sur les Vingt-Sept afin qu'ils commencent dès 2011 à assainir leurs finances publiques.
"La bonne nouvelle, c'est que l'Allemagne vient d'annoncer de fortes baisses d'impôts qui sont totalement incompatibles avec le Pacte de stabilité européen", assure Charles Wyplosz, de l'Institut universitaire de hautes études internationales de Genève. "Cela va relativiser les rappels à l'ordre pour ramener le déficit en-dessous de 3%", prédit-il.
Selon lui, "le problème, davantage que le retour à l'équilibre, c'est la dette publique", qui devrait passer de 67,4% du PIB fin 2008 à 84% l'an prochain puis poursuivre sa progression. "Il faut stopper cette hémorragie", insiste M. Wyplosz.
Mais pour faire des prévisions en la matière, il faudra connaître le montant du futur grand emprunt, au coeur d'un vif débat.