La visite du président français Nicolas Sarkozy à Washington lundi, pour évoquer ses projets de réforme du système monétaire international, illustre la difficulté à toucher au statut du dollar comme référence mondiale.
M. Sarkozy et sa ministre de l'Economie Christine Lagarde ne sont que brièvement passés dans la capitale américaine, pour sonder la Maison Blanche et le Trésor sur l'ordre du jour de la France lors de sa présidence du G20.
Il en est ressorti des déclarations de bonnes intentions sur la collaboration transatlantique. Mais dans la presse américaine est passé un autre message: la France et les Etats-Unis ne s'entendent pas sur grand-chose à ce stade.
"On ne sait pas très bien quelle nouvelle approche M. Sarkozy pourrait proposer, ni comment les Etats-Unis, où le rôle central du dollar ne fait pas débat depuis longtemps, pourraient être persuadés de la soutenir", relevait le New York Times mardi.
Le Wall Street Journal exposait pour sa part les vues de Washington sur les ambitions de Paris, présentées comme hors sujet.
Le gouvernement américain, expliquait-il, "espère que le plaidoyer de M. Sarkozy en faveur d'une restructuration du système monétaire international ne détournera pas l'attention des problèmes plus immédiats en Europe".
Aux Etats-Unis, l'opinion est répandue selon laquelle la crise de la dette en Grèce et les atermoiements des Européens ont fait dérailler la croissance américaine en 2010. La suspicion ne peut donc qu'entourer un chef d'Etat européen qui arrive avec un programme perçu comme antidollar.
Une chercheuse franco-américaine de l'université de Princeton (New Jersey, Nord-Est des Etats-Unis), Sophie Meunier, trouvait des points de convergence entre M. Sarkozy et Barack Obama.
"Cela pourait très bien finir par aider le dollar", estimait-elle lundi dans une tribune au Huffington Post. "Le programme (français) arrive à la question de la sous-évaluation du yuan d'une manière globale et organisée, plutôt que par l'approche bilatérale et conflictuelle tentée l'an dernier --sans succès-- par l'administration Obama".
Dès que l'on parle de monnaies, les Etats-Unis restent focalisés sur le taux de change de la devise de la Chine, devenue la deuxième économie mondiale et le premier exportateur mondial de biens.
Et ils restent sur un échec avec la précédente présidence du G20, assurée par la Corée du Sud. Ils avaient alors tenté d'imposer des mécanismes assurant que les membres du groupe ne dépassent pas certains excédents ou déficits vis-à-vis du reste du monde, ce qui dans leurs calculs devait forcer la Chine à laisser sa monnaie grimper.
L'idée n'avait pas rassemblé le soutien espéré, y compris de la France.
Quand celle-ci a lancé à son tour une autre idée, celle d'une diversification des monnaies de réserve, elle a donc reçu un accueil sceptique au pays du billet vert: pourquoi bouleverser le système de l'étalon-dollar, qui a fait ses preuves, quand il suffirait que les monnaies flottent plus librement?
C'est l'avis de Martin Feldstein, économiste de l'université d'Harvard et ancien conseiller économique de Ronald Reagan et de M. Obama. Selon lui, une baisse du dollar suffirait même à résorber l'énorme déficit commercial des Etats-Unis vis-à-vis de la Chine.
"Même si les forces naturelles du marché devraient résoudre de tels déséquilibres sans qu'il soit nécessaire d'adopter des politiques gouvernementales spécifiques, les mesures prises par les gouvernements des deux pays ont en fait contribué à les faire perdurer et empêché les forces du marché de corriger le problème", disait-il vendredi devant ses collègues de l'American Economic Association.