Le relèvement de la TVA laisse les restaurateurs face à une équation casse-tête: peuvent-ils augmenter le prix du café ou du plat du jour quand les clients se font déjà rares ou doivent-ils laisser la hausse, couplée à celle des prix de la viande, grignoter leurs marges?
Plan de rigueur oblige, la TVA sur la restauration va passer de 5,5 à 7% le 1er janvier et pourrait saler l'addition des plats et menus, mais les professionnels restent prudents face à des clients très sensibles aux prix.
Ils devront aussi tenir compte du regard des consommateurs sur une profession qui n'a pas su baisser ses prix quand la taxation a été ramenée de 19,6 à 5,5% il y a deux ans.
Si la fréquentation des fast-food et brasseries a augmenté en 2010 et début 2011, le printemps et surtout l'été ont été marqués par un ralentissement brutal, voire une inversion de tendance.
Surtout en région parisienne où la fréquentation des restaurants traditionnels a chuté de 8% sur les neuf premiers mois, par rapport à 2010, selon le panel Crest du groupe NPD, qui fait référence dans le secteur.
Toutes restaurations confondues (rapide ou traditionnelle), la fréquentation qui progressait en France de 1,9% au premier trimestre, affiche sur neuf mois un modeste +0,6%.
Patron de 300 restaurants, allant d'Hippopotamus à Tablapizza, en passant par de grandes brasseries parisiennes, Dominique Giraudier (Groupe Flo) n'hésite pas à parler de "retournement de tendance", de "signes inquiétants", surtout à Paris.
Il estime avoir "perdu 1 à 2%" de ses "petits clients Hippopotamus", ceux qui dépensaient 15 euros par personne, qui ont sans doute préféré un restaurant moins cher ou pas de restaurant du tout.
Il y a "un lien direct entre moral des ménages, taux de chômage et activité de restauration", confirme Jean-François Sautereau, à la tête de 320 Buffalo Grill. L'année 2011 avait bien démarré mais devrait finir sur "une croissance molle", après une première contraction mi-mars et une seconde en août.
"Les familles font très attention" à leurs dépenses, note-t-il, soulignant qu'"il y a trois ans, les menus représentaient 25% des ventes contre 35% aujourd'hui".
Dans ce contexte, les restaurateurs peuvent-ils augmenter les prix? La plupart n'ont pas encore tranché.
A l'image de McDonald's, premier restaurateur de France, qui rappelle qu'il faut tenir compte aussi de "l'évolution des coûts des matières premières à venir". Mais l'enseigne maintient sa promesse de 3.000 embauches par an en CDI.
Premier syndicat du secteur, l'Umih prépare de quoi aider "chaque restaurant à faire son choix" entre répercuter toute la hausse sur les prix, l'absorber en réduisant sa marge ou panacher, explique Philippe Villalon, président de la branche restauration.
Les différentes options seront détaillées lors du congrès annuel de l'Umih, la semaine prochaine.
Pour le Synhorcat, autre syndicat, il ne faut pas "surévaluer l'augmentation des prix", "d'autant plus que la faible répercussion de la baisse de la TVA (...) a été, à tort ou à raison, mal perçue par les consommateurs".
Pas d'augmentation de prix... mais pas d'embauche non plus en 2012 pour Jean-Charles Baron, propriétaire de deux restaurants à Nantes (2.000 couverts/semaine, en moyenne 40 euros/personne). Selon lui, le surcoût de la TVA (20.000 euros) représente "pas loin du coût annuel d'un bon commis".
Au Café du Commerce à Paris, brasserie de 500 couverts/jour (en moyenne 30 euros), Etienne Guerraud va "essayer de ne pas toucher aux prix". Il a déjà senti ces derniers mois qu'il fallait "être plus concentré, plus présent pour réaliser le même chiffre d'affaires".
Il veut "positiver: 1,5%, si tous les Français font ce petit effort, toute la France s'en sort".