L'Ukraine a haussé le ton contre la Russie jeudi en posant un ultimatum pour trouver un accord à l'amiable dans le conflit sur le prix du gaz russe acheté par Kiev, faisant ressurgir les craintes d'une interruption des livraisons vers l'Europe.
"Nous allons tenter encore une fois de nous mettre d'accord avec nos collègues russes (...). Faute de quoi, les dirigeants qui ne veulent pas écouter nos arguments vont devoir en assumer les conséquences", a lancé le Premier ministre ukrainien Mykola Azarov, lors d'une allocution dans une université.
Mercredi, une source haut placée au gouvernement ukrainien avait prévenu que Kiev contesterait en justice ses contrats gaziers avec la Russie si elle ne parvenait pas d'ici la mi-octobre à convaincre Moscou de baisser les prix.
Les contrats en vigueur conclus en 2009 entre Kiev et Moscou prévoient la possibilité de les contester auprès du tribunal d'arbitrage de Stockholm.
L'Ukraine tente depuis des mois de renégocier le prix du gaz acheté à la Russie, qui s'élève actuellement à presque 400 dollars les 1.000 mètres cubes, selon Kiev.
De son côté, le Kremlin se dit prêt à baisser le prix à condition que Kiev accepte d'entrer dans l'Union douanière formée par la Russie, le Bélarus et le Kazakhstan, et de fusionner sa société publique Naftogaz avec le géant russe Gazprom. Kiev a maintes fois rejeté cette proposition.
"La Russie nous dit: entrez dans l'Union douanière et vous obtiendrez une remise. Nous n'avons pas besoin de remise. Il nous faut un accord normal, aux termes duquel le prix du gaz ne dépasserait pas, par exemple, celui payé par l'Allemagne", a déclaré M. Azarov jeudi.
Les relations entre Kiev et Moscou dans le domaine énergétique sont suivies de près par l'Union européenne, dont l'approvisionnement a été perturbé lors des précédents conflits gaziers ukraino-russes, 80% du gaz russe destiné à l'Europe transitant par l'Ukraine.
Le ministre russe de l'Energie, Sergueï Chmatko, a exclu jeudi l'éventualité d'une interruption du transit de gaz russe vers l'Europe, mais les experts sont divisés.
Le géant russe "Gazprom ne veut pas nuire à sa réputation en Europe, qui sera inévitablement compromise en cas de conflit", a déclaré à l'AFP l'analyste Ildar Gazizoulline du Centre international des recherches stratégiques à Kiev.
Mais Artiom Kontchine, analyste de la banque d'investissement UniCredit Securities à Moscou, n'est pas du même avis.
"La Russie peut couper le gaz à l'Ukraine sans nuire à sa réputation car le gazoduc Nordstream, voie alternative pour livrer le gaz russe à l'Europe, sera mis en service à la fin de l'année", rétorque-t-il.
En revanche, tous sont d'accord pour dire que Kiev n'est pas en position de force.
Le pouvoir actuel ukrainien, dont l'électorat est pro-russe, "n'a aucun intérêt dans une détérioration de ses relations avec Moscou, surtout à l'approche des législatives" de 2012, relève M. Gazizoulline.
Faute de sources d'énergie alternatives, Kiev "n'a pas de marge de manoeuvre", souligne M. Kontchine. Les Ukrainiens peuvent bien contester les accords en justice, mais la longueur de la procédure ne leur permettra pas d'avoir une décision rapide, ajoute-il.
Kiev, qui cherche à réduire sa dépendance énergétique vis-à-vis de Moscou, a signé jeudi un accord avec la compagnie anglo-néerlandaise Shell qui pourrait investir jusqu'à 800 millions de dollars (554 millions d'euros) dans la production de gaz de schiste en Ukraine, mais sa réalisation prendra encore des années.