Les banques ont rouvert dans le calme jeudi à Chypre après douze jours de fermeture, mais les clients étaient soumis à des restrictions inédites en zone euro pour éviter une fuite de capitaux de l'île après un plan de sauvetage international aux conditions draconiennes.
A Nicosie, des dizaines de personnes ont fait la queue, résignées, à l'ouverture des banques à midi (10H00 GMT), surtout devant les agences de la Bank of Cyprus et la Laïki, les deux plus grandes du pays, touchées de plein fouet par la restructuration exigée par les bailleurs de fonds.
"Nous sommes tous venus chercher nos 300 euros", a expliqué une trentenaire devant une agence de la Bank of Cyprus. Pour éviter un effondrement du système bancaire, les autorités ont en effet limité les retraits à 300 euros par jour et par personne.
Mais le flot de clients s'est rapidement tari, et les banques ont fermé en fin d'après-midi sans incident.
L'association des banques chypriotes s'est dite "satisfaite du fait que le public s'est montré confiant envers le système bancaire"
Dans un communiqué, la Bank of Cyprus a indiqué que "dans toutes nos agences, les transactions se sont déroulées de manière fluide et sans incident", soulignant la "responsablilité et la dignité des clients".
"Attendez vous à ce que les restrictions soient levées d'ici un mois si tout se passe aussi bien qu'aujourd'hui", a déclaré le ministre des Affaires étrangères Ioannis Kasoulides.
Le président chypriote Nicos Anastasiades a remercié ses compatriotes sur twitter et dans un communiqué pour leur "grand sens des responsabilités".
"L'attitude des gens prouve que non seulement nous voulons mais nous pouvons réussir à sortir notre pays de la position difficile dans laquelle il se trouve", a assuré M. Anastasiades.
Le président conservateur, qui a succédé il y a un mois au communiste Demetris Christofias, a réduit son salaire de 25% et ses ministres de 20%. Tous ont renoncé à leur 13e mois.
Le gouvernement a aussi mis en place jeudi une commission d'enquête chargée de déterminer s'il y a eu "des responsabilités criminelles, civiles ou politiques" dans la crise.
Après une série de rebondissements, Chypre a accepté lundi à l'aube une réduction draconienne de son secteur bancaire en contrepartie d'une aide de 10 milliards d'euros de la troïka (Union européenne, Banque centrale européenne et Fonds monétaire international).
La restructuration prévoit une importante ponction sur les dépôts supérieurs à 100.000 euros à la Bank of Cyprus et la liquidation de la Laïki Bank. A elles deux, ces banques emploient 5.600 personnes à Chypre, qui compte environ 850.000 habitants.
Le Fonds monétaire international (FMI) a jugé jeudi "difficile" d'étendre à d'autres pays européens la solution adoptée à Chypre, qui mêle faillite bancaire et mise à contribution des gros déposants, soulignant que le cas de l'île méditerranéenne était "très complexe et par nature unique".
La réouverture des banques s'est accompagnée de restrictions justifiées, selon un décret ministériel, par "le manque de liquidités conséquentes et le risque important de fuite des dépôts, avec pour résultat possible l'effondrement des institutions de crédit".
Les paiements et virements à l'étranger sont limités à 5.000 euros par mois et les voyageurs quittant l'île ne peuvent emporter plus de 1.000 euros en espèces, selon ce décret valable au moins 4 jours.
Pour éviter toute pénurie, la Banque centrale allemande, la Bundesbank, avait alimenté Chypre en billets à la veille de la réouverture des banques.
Plus d'une centaine de personnes, membres ou sympathisants du parti nationaliste chypriote Elam, ont manifesté jeudi soir à Nicosie contre les mesures imposées à l'île par les bailleurs de fonds internationaux, scandant "troïka, dehors".
La petite île méditerranéenne, déjà en récession depuis deux ans, s'attend désormais à découvrir peu à peu le prix du désastre bancaire pour l'ensemble de son économie.