En panne politiquement autant qu'économiquement, l'Italie tentera d'ici lundi de lancer un "signal fort" à un monde des affaires démoralisé en débloquant le difficile dossier des milliards d'arriérés de dette des administrations à l'encontre de leurs fournisseurs, des entreprises privées.
De l'avis général, le remboursement, ne serait-ce que partiel, des quelque 90 milliards d'arriérés de dette accumulés (estimation à fin 2011) par les différents étages administratifs du pays apporterait un ballon d'oxygène bienvenu à une économie plongée dans une longue et profonde récession (-2,4% en 2012) et où le crédit s'est raréfié ces derniers mois.
Suite à un assouplissement des critères européens en matière de décompte des déficits et de la dette, le gouvernement sortant de Mario Monti avait annoncé fin mars le remboursement d'environ 20 milliards d'euros au deuxième semestre 2013 et de 20 milliards d'euros supplémentaires au cours de l'année 2014.
Le nouveau Parlement a donné son feu vert cette semaine à des mesures de déblocage des paiements. Ce dossier semble à l'heure actuelle être l'un des rares à faire consensus au sein d'une classe politique qui se déchire publiquement depuis les élections législatives de février et s'est montrée incapable jusqu'ici de former un gouvernement.
Mais la complexité du sujet exigeant des "approfondissements", le conseil des ministres censé valider le texte mercredi a été renvoyé de quelques jours et reprogrammé pour samedi à 07H30 GMT. Un nouveau délai qu'un éditorialiste du Corriere della Sera interprète comme la preuve que l'exécutif italien est "l'otage de la bureaucratie", entité qu'il qualifie de "pouvoir obscur".
"Sentiment de désespoir"
Pourtant, le temps presse, répète inlassablement depuis des mois le président de la principale organisation patronale Confindustria, Giorgio Squinzi, l'un des plus fervents militants de cette cause.
"Il y a un sentiment de désespoir chez tant d'entrepreneurs. Il faut un signal fort pour envisager une relance de l'économie réelle", a-t-il lancé mercredi. Selon Unimpresa, une autre fédération professionnelle, plus de 215.000 entreprises sont concernées et le montant moyen des arriérés s'élèverait à 422.000 euros.
Sous pression des milieux d'affaires, le gouvernement est aussi sous la surveillance de Bruxelles. Le commissaire européen aux Affaires économiques Olli Rehn s'est déclaré jeudi très favorable à un décret-loi pour venir à bout de "l'insupportable dette de l'Etat italien à l'égard des entreprises".
Dans un pays confronté à "une perte de compétitivité sur le long terme et à des conditions de financement excessivement serrées pour les ménages et les entreprises", un tel remboursement ne serait pas un "remède-miracle" mais contribuerait fortement à alléger leur sort, juge-t-il. "C'est pour cela que nous considérons cela comme une question de la plus haute urgence", a insisté le commissaire.
En Italie, le débat s'est accompagné d'une vive polémique sur la provenance des fonds, certains redoutant que le gouvernement ne les prenne dans la poche des contribuables, déjà très éprouvés par la politique d'austérité menée ces derniers mois. Le ministre de l'Economie Vittorio Grilli a tenté de rassurer en déclarant mercredi que le projet de loi ne contenait "aucune hausse d'impôts". "Nous n'avons pas besoin de couverture ou d'argent car nous payons des dépenses déjà effectuées", a-t-il affirmé.
Outre le cercle vertueux qu'il espère voir éclore de l'injection de 40 milliards d'euros dans l'économie, les mesures de remboursement doivent signer "un tournant dans les comportements de l'administration publique envers les entreprises privées", a-t-il promis.
Quant à la barre des 3% de déficit, elle est "infranchissable", a-t-il répété, alors que Rome table sur un déficit 2013 de 2,9% (remboursements compris).
Mais la marge de manoeuvre de l'Italie est d'autant plus étroite qu'elle mise beaucoup sur une suspension dans les semaines à venir de la procédure pour déficit excessif ouverte à son encontre fin 2009 par Bruxelles. Pour être exaucée, l'Italie doit cependant respecter tant les critères de déficit que de dette publique, a rappelé le porte-parole de M. Rehn.