"Trois morts dans une banque incendiée à Athènes": le 5 mai, les images du drame survenu au cours de violences de rue dans la capitale grecque font le tour du monde. La Grèce devient l'épicentre d'un séisme qui va faire vaciller la planète financière moins de deux ans après la chute de Lehman Brothers.
On est alors au pic de la tragédie en Grèce, qui croule sous une dette colossale (115% du PIB) et qui vient de bénéficier de l'annonce d'un plan inédit de 110 milliards d'euros de l'Union européenne et du Fonds monétaire international.
Mais il faudra attendre l'effondrement des marchés et de l'euro pour que les dirigeants européens et de la banque centrale s'accordent enfin sur un plan de sauvetage de la zone euro, à coup de centaines de milliards.
Il sera décidé à l'issue d'un week-end historique qui coïncide avec les 60 ans de l'Europe. Car il n'est plus seulement question de sauver la Grèce de la banqueroute mais bien de voler au secours de toute la zone euro, gangrenée par les risques de contagion à d'autres pays endettés comme l'Espagne, le Portugal ou l'Irlande.
De quoi rappeler la crise "des subprimes" en 2007, qui avait débouché sur la chute de la banque d'affaires américaine Lehman Brothers le 15 septembre 2008.
Cette faillite retentissante avait provoqué un cataclysme financier, avant de se propager à toute l'économie de la planète. Cette fois, les politiques n'ont pas laissé tomber la Grèce, et pour cause.
Avec Lehman Brothers, "la conséquence a été la paralysie du système financier mondial au point de provoquer la plus grande récession mondiale depuis les années 1930 (...). Les conséquences de la faillite de la Grèce seraient comparables, si ce n'est pires", affirme sans détour le commissaire européen aux Affaires économiques, Olli Rehn.
Plus question donc de tergiverser, précédent Lehman oblige. Pourtant, les tractations entre Européens vont durer des heures dans un climat de forte tension avec l'Allemagne.
Selon le quotidien El Pais, qui cite le chef du gouvernement espagnol José Luis Rodriguez Zapatero, le président français Nicolas Sarkozy en vient même à menacer la chancelière allemande Angela Merkel de sortir la France de l'euro. Une information toutefois démentie avec force vendredi par les gouvernements espagnol, français et allemand.
La chancelière veut des garanties d'être remboursée, l'engagement des pays voisins à des cures d'austérité à la grecque et des sanctions pour les mauvais élèves. Elle joue gros à deux jours d'élections cruciales, avec une opinion publique hostile au plan.
Il faudra toute la persuasion du président de la Banque centrale européenne (BCE), Jean-Claude Trichet, qui parle d'une crise "systémique", du directeur-général du FMI Dominique Strauss-Kahn, et surtout du président américain Barack Obama, qui a décroché son téléphone, pour emporter l'adhésion allemande.
Car c'est la planète toute entière qui s'inquiète désormais d'une répétition de la crise financière de 2008.
Le Japon et les Etats-Unis font pression. Selon une source gouvernementale, le secrétaire au Trésor Timothy Geithner appelle sans relâche ses collègues du G7.
Les banques centrales de ce club des pays les plus riches seront d'ailleurs mises à contribution. Elles s'engagent à relancer leurs accords bilatéraux de mécanismes d'échanges (swap) de devises avec pour objectif d'assurer l'approvisionnement en dollars de l'Europe. Il faut éviter à tout prix une nouvelle crise de liquidités.
Un accord est finalement trouvé à l'arrachée dans la nuit de dimanche à lundi sur un plan de secours de 750 milliards d'euros, à quelques heures de l'ouverture des marchés européens qui s'envolent.
Leur euphorie tournera court et dès le milieu de semaine, les marchés renouent avec l'inquiétude, et vendredi en Europe, sont même repris par la panique (-4,59% à Paris).
Vendredi, l'euro a touché son plus bas depuis ... novembre 2008.