De violents incidents ont éclaté mercredi en marge de manifestations massives contre l'austérité en Grèce, à quatre jours d'un sommet européen qui pourrait décider d'augmenter la puissance de feu financière face à l'aggravation de la crise de la dette dans la zone euro.
Le président français Nicolas Sarkozy et la chancelière allemande Angela Merkel se sont entretenus dans la soirée pendant près de deux heures à Francfort, où était réuni le gratin de la finance européenne, avant un sommet européen, dimanche, crucial pour l'avenir de la zone euro.
Rien n'a filtré sur la teneur des discussions. La présidence française avait prévenu avant cette réunion de travail qu'il n'y aurait pas de communication à la presse.
En Grèce, plus de 125.000 personnes selon la police ont défilé dans les rues des grandes villes pour protester contre un nouveau train de mesures d'austérité imposé par le gouvernement.
Des affrontements entre groupes de jeunes et policiers ont transformé en champ de bataille le centre d'Athènes, qui suffoquait entre gaz lacrymogènes et incendies de poubelles, en marge d'une manifestation géante. Ces incidents, émaillés d'actes de vandalisme contre des magasins et des bâtiments publics, ont fait 45 blessés, dont 25 parmi les policiers, a dit la police.
La Grèce livre "la bataille des batailles", a lancé le ministre des Finances Evangélos Vénizélos en ouvrant les débats dans un parlement encerclé par une marée de contestataires.
Le projet de loi sur les nouvelles mesures d'austérité a été adopté dans la soirée par le Parlement grec lors d'un premier vote "sur le principe".
Sur les 295 députés présents, 154 députés du Pasok, le parti socialiste au pouvoir, ont voté en faveur du projet, dicté par les créanciers du pays, Union européenne et Fonds monétaire international. Tous les partis de l'opposition, 141 députés présents, ont voté contre.
Un second vote définitif est prévu jeudi soir.
Les sacrifices demandés, dont beaucoup visent une fonction publique inefficace et coûteuse bâtie sur le clientélisme politique, sont imposés cependant que la Grèce traverse sa troisième année consécutive d'une récession qui s'aggrave.
La mobilisation pour cette cinquième grève générale de l'année a atteint un niveau record: transports, écoles, musées et secteur public étaient paralysés, mais aussi commerces, taxis et autres entreprises privées.
A quatre jours du sommet européen, les contacts se multipliaient entre les capitales, pour tenter d'enrayer la contagion de la crise de la dette dans la zone euro, au moment où les agences de notation financière s'attaquent à l'Italie, la France et l'Espagne.
Selon une source diplomatique à Bruxelles, les pourparlers en cours visent à porter la capacité d'intervention du Fonds de soutien européen (FESF) pour les pays en difficulté à entre 1.000 et 2.000 milliards d'euros.
Ces discussions se déroulent sur fond de détérioration de la conjoncture économique: l'Allemagne a ainsi ramené à 1% ses prévisions de croissance pour l'an prochain alors que la première économie européenne tablait précédemment sur 1,8%.
Face à la propagation de la crise, le sommet européen de dimanche s'annonce décisif. Outre l'augmentation des capacités de prêt du FESF, l'Union européenne pourrait décider d'une nouvelle dépréciation des titres de la dette grecque détenus par les banques, plus importante que celle décidée le 21 juillet.
Dernier épisode dans la crise de la dette, Madrid a subi un nouvel abaissement de sa note souveraine, la troisième en moins de deux semaines.
Après Fitch et Standard & Poor's, Moody's lui a enlevé deux crans à A1, ravalant l'Espagne au rang des émetteurs solides mais susceptibles d'être affectés par des changements dans la situation économique.
Le ministère espagnol de l'Economie s'est dit "surpris" de cette décision prise "sans attendre" l'issue du sommet européen organisé ce week-end à Bruxelles.
L'Italie avait déjà fait les frais début octobre des inquiétudes des agences, Fitch ayant abaissé sa note, tandis que Standard & Poor's a fait de même mardi avec celles de 24 banques italiennes, en raison de la détérioration de la situation économique dans la péninsule.
"Ce que vivent actuellement des pays comme l'Espagne et l'Italie ne vient pas seulement de leurs propres problèmes, mais plutôt de la contagion par le reste de la zone euro", estime Soledad Pellon, analyste de la maison de courtage IG Markets.
"Cela m'inquiète de voir que cela commence à être (une réaction) en chaîne, cela a commencé seulement par la Grèce et puis cela s'est étendu aux autres pays, on dirait que la contagion progresse de manière beaucoup plus rapide", renchérit Alberto Roldan, analyste chez Inverseguros.
"Le destin de l'Europe se joue dans les jours qui viennent", n'a pas hésité à affirmer le président Sarkozy.
Le président de la Commission européenne José Manuel Barroso lui a fait écho mercredi, évoquant un "moment crucial" pour l'Europe, et demandant une "réponse vigoureuse" dimanche pour stopper la contagion.
La France est désormais également menacée: Moody's a annoncé lundi qu'elle pourrait placer d'ici à trois mois sa note sous perspective négative, en clair qu'elle pourrait perdre son précieux triple A.
Cela montre que "même des pays comme la France ne peuvent pas échapper à des baisses de note", souligne Soledad Pellon.
"Les agences transmettent un message très clair: il y a un problème de dette en Europe et cela peut entraîner une aggravation importante" de la crise, estime Alberto Roldan.
"Cela remet un petit coup de pression sur la France et l'Allemagne, sur leur capacité à régler cette crise, parce que c'est de là que viendront les solutions", confirme Jesus Castillo, spécialiste de l'Europe du sud chez Natixis.
"Si l'un des deux pays n'avance pas, c'est tout le processus de règlement de la crise qui reste bloqué", ajoute-t-il.