A Hambourg (nord de l'Allemagne) siège l'une des plus grandes agences spécialisées dans la location et la vente d'îles privées. En 40 ans, son patron, Farhad Vladi, a négocié la cession de 2.000 îles aux quatre coins du monde.
Dans son grand bureau clair qui donne sur l'un des deux lacs artificiels de la deuxième ville d'Allemagne, Farhad Vladi tourne les pages d'un catalogue de joyaux verts posés sur des rubans blanc et bleu turquoise. L'un se trouve à quelques miles de Bora-Bora, les autres aux Seychelles, aux Maldives, aux Bahamas. Ces îles privées sont à vendre ou à louer.
C'est ce Canadien d'origine allemande de 65 ans qui a organisé l'achat de l'île d'Arros aux Seychelles par le Shah d'Iran avant qu'elle ne tombe aux mains de la Française Liliane Bettencourt et ne se retrouve récemment au coeur d'un scandale politique en France.
Parmi ses clients figurent d'ailleurs nombre de grandes fortunes et de stars. La mode a été lancée par l'acteur américain Marlon Brando et l'armateur grec Aristote Onassis. Farhad Vladi les énumère au compte-goutte, la plupart préférant garder l'anonymat. Diana Ross, Nicolas Cage, Tony Curtis. Et plus récemment Johnny Depp qui s'est offert 14 hectares dans les Caraïbes.
Son catalogue compte actuellement environ 120 îles à vendre et une trentaine de transactions sont réalisées chaque année.
La plus chère? Cave Cay, un îlot de quelque 90 hectares aux Bahamas, avec plusieurs pavillons pour une surface habitable totale de 6.500 m2. Prix demandé: 110 millions de dollars...
Mais dans son portefeuille, Farhad Vladi dispose également de morceaux de terre de 22.000 euros en Nouvelle-Ecosse. Le Canada est l'un des pays qui disposent du plus d'îles privées dans le monde --une centaine--. En France, la plupart de ces propriétés se situent au large des côtes bretonnes.
Farhad Vladi sourit: "les gens arrivent dans nos bureaux avec l'intention d'acheter un île de sable blanc et de palmiers et repartent avec une île de sapins en Scandinavie ou en Ecosse".
Car sur une île, il y a tout ce que les cartes postales ne montrent pas. Et qui peuvent faire d'un paradis sur papier glacé un enfer sur terre.
"Beaucoup de gens ont acheté des îles au large du Honduras ou de Belize en oubliant qu'il y a des pirates dans ces zones, une humidité incroyable, des millions des moustiques, des maladies comme la dengue, des serpents", énumère-t-il. En Amérique du nord ou en Europe, la situation politique et sanitaire est plus stable.
"Comme chez les peintres, il y a deux catégories d'îles de par le monde", assure M. Vladi, lui même propriétaire depuis 20 ans d'une île au large de la Nouvelle-Zélande. "La catégorie Rembrandt, Rubens, Van Gogh et à côté des milliers de peintres primitifs qui ne font que peindre quelques traits".
Pour la vente, "c'est comme chez Christie's et Sotheby's, les belles choses de qualité marchent bien, les autres restent au placard", selon le vendeur.
Seuls 5% des îles privées sont de qualité. En clair, ce sont celles qui ne sont pas trop loin du continent, disposent d'un ponton d'accostage ou ont un climat tempéré.
Et dans ce secteur point de crise. Le marché s'avère très restreint et les prix explosent car personne ne veut vendre en ce moment. "Les gens ont peur de l'avenir et préfèrent garder leurs biens", souligne Farhad Vladi.
Et puis, conclut-il, "posséder son île, c'est un peu comme lorsqu'une femme tombe amoureuse. Elle veut garder cet homme pour elle toute seule".