Faut-il obliger les banques à se séparer de leurs activités d'investissement, qui les transforment selon certains en "casinos" risquant l'argent des petits épargnants? Le Royaume-Uni a lancé un débat officiel sur ce sujet controversé, qui divise jusqu'au gouvernement.
La "commission bancaire indépendante" créée par le gouvernement pour y réfléchir a livré vendredi sa feuille de route, disant vouloir s'attaquer au problème sans idées préconçues ni tabous.
Le nouveau gouvernement britannique a chargé cette commission, présidée par l'ancien membre de la Banque d'Angleterre John Vickers, de lui remettre des propositions en septembre prochain.
"Certains prétendent que poser des questions sur la structure du système bancaire est dangereux", mais "c'est mieux de débattre des problèmes de manière rationnelle que de tenter de les cacher sous le tapis", a assuré M. Vickers, lors d'une conférence de presse.
L'idée de séparer les activités dites de détail des banques, c'est-à-dire la gestion de l'argent des particuliers, de celles d'investissement, qui incluent des opérations souvent risquées réalisées pour leur propre compte sur les marchés financiers, fait rage en Grande-Bretagne depuis la crise financière.
Moyen de réduire les risques au sein d'un système financier devenu incontrôlable pour ses partisans, cette mesure est combattue avec vigueur par ses détracteurs, qui la jugent dangereuse pour l'équilibre du secteur financier, et plaident que le modèle de banque "universelle", associant les deux types d'activités, permet d'étaler les risques.
L'ancien gouvernement travailliste l'avait rejetée catégoriquement, arguant que deux des victimes emblématiques de la crise, la britannique Northern Rock et l'américaine Lehman Brothers, étaient l'une une pure banque de détail, et l'autre une pure banque d'affaires.
La question est d'importance capitale pour le statut de place financière mondiale de la City de Londres, et par conséquent pour l'avenir de l'économie britannique dont elle est le principal moteur.
Les grandes banques britanniques, à commencer par HSBC et Barclays, qui défendent becs et ongles leur modèle d'établissements universels, pourraient en effet décider de transférer leur siège hors du Royaume-Uni si on tentait de les découper.
Ce sujet est également une pomme de discorde au sein de la coalition gouvernementale, qui allie des conservateurs prompts à défendre les intérêts d'une City dont sont issus ses donateurs les plus généreux, et des libéraux-démocrates impatients de réformer radicalement un secteur bancaire qu'ils accusent de tous les maux.
Le secrétaire d'Etat au Commerce, le libéral-démocrate Vince Cable, s'est ainsi fait le héraut de la séparation des banques d'investissement, qu'il assimile à des "casinos", et des banques de détail. Il a mis la City en émoi au début de la semaine, en dénonçant "les filous et les parieurs qui ont fait tant de mal à l'économie britannique".
Il s'est également insurgé contre la nomination annoncée au poste de directeur général de Barclays de l'Américain Bob Diamond, jusqu'ici chef de sa division d'investissement et bénéficiaire de bonus faramineux.
A l'inverse, le ministre des Finances conservateur, George Osborne, a rejeté l'an dernier l'idée d'une scission des banques, prônant une solution beaucoup plus modérée, consistant à imposer des normes de fonds propres encore plus sévères à celles qui veulent entretenir des activités risquées.
Une piste dont pourrait s'inspirer la commission Vickers, qui prévoit de remettre des propositions provisoires au printemps.