De plus en plus de ménages ne parviennent plus à payer leur facture de gaz ou d'électricité, a averti jeudi le médiateur de l'énergie, qui reçoit les "appels de détresse" de ces consommateurs frappés par la crise.
Environ 3,4 millions de ménages sont dans une situation de précarité énergétique, c'est-à-dire qu'ils dépensent plus de 10% de leurs revenus à régler leurs factures d'énergie.
En 2009, ces dossiers ont représenté 10% des 5.111 saisines reçues par le médiateur de l'énergie, autorité indépendante chargée de régler les conflits entre les consommateurs et leur fournisseur.
"Le nombre de saisines est en forte augmentation: nous comptons dix fois plus de réclamations pour des problèmes de précarité début 2010 que début 2009", explique Marie-Claude Lassadi, chef du service recevabilité du médiateur de l'énergie.
Une cinquantaine de consommateurs, surendettés ou au chômage, adressent des demandes de ce type au médiateur chaque mois.
"J'ai vu des gens qui empruntaient de l'argent pour payer leurs factures", raconte Mme Lassadi.
Parmi les cas les plus difficiles, le médiateur cite une mère de famille de Boulogne-sur-Mer qui était privée de gaz depuis le printemps 2009 pour cause de factures impayées.
"Elle a fait appel à nous au début de l'hiver. Avec l'arrivée du grand froid, sa situation n'était plus tenable", se souvient Bruno Léchevin, délégué général du médiateur.
En 2009, le gestionnaire du réseau de gaz, GrDF, a procédé à quelque 70.000 "interventions pour impayés", opérations préalables à la coupure.
Pour le seul 1er trimestre 2010, ces interventions ont atteint le nombre de 43.000, selon une source proche du dossier. Interrogé, GrDF n'avait pas répondu à l'AFP jeudi.
Légalement, le médiateur n'est pas compétent pour régler ce genre de situation. "Mais comment voulez-vous qu'on ne s'y intéresse pas ?", interroge M. Léchevin.
Profitant de sa notoriété grandissante, il essaye le plus souvent d'obtenir que les fournisseurs de gaz ou d'électricité établissent un échéancier de paiement en faveur de leurs consommateurs en difficultés.
"On essaie de rétablir le lien avec le fournisseur", qu'il s'agisse d'EDF, de GDF Suez ou d'un de leurs concurrents (Poweo, Direct Energie, etc), explique Mme Lassadi.
"Au début, ça a été un peu tendu mais, maintenant, ça se passe bien", ajoute-t-elle.
Le médiateur plaide par ailleurs pour un renforcement des tarifs sociaux du gaz et de l'électricité, qui permettent aux personnes en situation précaire d'obtenir une réduction sur leur facture (70 euros par an pour l'électricité en moyenne).
Moins de la moitié de ceux qui y auraient droit bénéficient aujourd'hui de ces "tarifs sociaux", par défaut d'information ou par gêne de les demander.
"Il y a des gens qui font le dos rond, ont honte de leur situation", analyse Mme Lassadi.
Caroline Keller, de l'association UFC Que Choisir, plaide pour sa part pour une "simplification des dispositifs". "On a l'impression que les procédures sont volontairement compliquées à l'extrême", note-t-elle.
EDF signale cependant une forte augmentation du nombre de clients ayant bénéficié du tarif de première nécessité en 2009: 940.000 au total, soit 220.000 de plus qu'en 2008.
"Nous imputons cette augmentation à une meilleure connaissance du dispositif, car le nombre d'ayants droit est resté stable", précise une porte-parole du groupe d'électricité.