La Banque centrale européenne (BCE) devrait laisser son principal taux directeur inchangé jeudi, malgré des indicateurs économiques décevants et l'impact de la crise chypriote sur la zone euro, selon la majorité des analystes.
"La chute récente des indicateurs de confiance, les suites de la crise chypriote et des risques inflationnistes en baisse pourraient fournir une excellente justification à la BCE pour baisser ses taux cette semaine. Mais selon nous, elle va encore résister à la tentation", résume Carsten Brzeski, économiste chez ING.
Selon les chiffres publiés mercredi par l'Office européen de statistiques Eurostat, l'inflation a encore diminué en mars dans la zone euro à 1,7%, soit son niveau le plus bas depuis août 2010 et sous le seuil de 2% que se doit de faire respecter la BCE. Ce qui lui laisse le champ libre pour relâcher davantage sa politique monétaire.
Mais une nouvelle baisse de taux n'aurait que peu d'effet, de l'aveu même des responsables de la BCE. Son principal taux directeur est déjà fixé à 0,75% depuis juillet dernier, soit son plus bas niveau historique, sans que cela ait contribué à relancer le crédit et l'activité économique dans la région.
Au contraire, le coût du crédit pour les Petites et moyennes entreprises (PME) dans les pays en crise s'est encore enchéri, provoquant l'inquiétude de certains membres du conseil des gouverneurs de l'institution monétaire de Francfort (ouest).
A leurs yeux, "ce n'est pas le niveau du taux directeur le principal problème, mais le fait que les taux de crédit dans la périphérie (les pays en difficulté, ndlr) ne reflètent pas la politique de taux bas" pratiquée par la BCE, note Michael Schubert, économiste chez Commerzbank.
Le président de la BCE Mario Draghi s'est lui aussi ému à plusieurs reprises du défaut de transmission de sa politique monétaire, sans pour autant esquisser jusqu'ici de solution à ce problème.
Face à cette situation pénalisant la reprise et l'embauche alors que le chômage en zone euro a atteint un nouveau sommet en février avec 12% de la population active concernée, certains économistes estiment que la BCE pourrait accepter les prêts accordés par les banques aux PME comme garanties en échange des liquidités bon marché dont elle les abreuve.
D'autres suggèrent qu'elle rachète directement des titres d'entreprises, à l'instar de la Banque d'Angleterre.
Mais ce serait "franchir un nouveau Rubicon", juge Carsten Brzeski, prédisant des remous en son sein.
Une telle action devrait en effet susciter l'opposition virulente de certains de ses membres, dont la Banque centrale allemande, qui n'a toujours pas digéré le programme de rachat de dette publique adopté en mai 2010, ni sa nouvelle version de septembre 2012, même si celle-ci n'a encore jamais été mise en application.
Pour la Bundesbank et les autres partisans de l'orthodoxie monétaire, la BCE se doit de ne se préoccuper que de stabilité des prix et éviter tout ce qui pourrait s'apparenter à un financement des Etats.
L'autre dossier brûlant jeudi est la question de Chypre.
Alors qu'un plan de sauvetage a été adopté la semaine dernière, qui a évité la faillite à l'île méditerranéenne mais qui sera douloureux pour actionnaires et déposants des deux principales banques chypriotes, M. Draghi devrait s'appliquer à rassurer les marchés en signifiant que cela ne se reproduira pas, estiment les analystes.
"M. Draghi va certainement mettre l'accent sur le fait qu'il y a peu de risque de contagion, que Chypre est +un cas unique+ et que les gouvernements doivent s'attaquer d'urgence à la question de la solvabilité des banques", s'attend Amit Kara, économiste de UBS.
Ces nouvelles péripéties ont certes déstabilisé les investisseurs mais n'ont pas entraîné de panique, constatent toutefois les analystes, même si certains guettent déjà le prochain foyer de crise. C'est "un bon signe" pour la région, juge Holger Schmieding, chef économiste de Berenberg, après une année 2012 où certains prédisaient son éclatement.