Bercy accueillera mardi une conférence sur la finance islamique, rassemblant élus, présidents de banques islamiques et PDG d'entreprises françaises, un signe supplémentaire de la volonté de Christine Lagarde d'ouvrir la place de Paris aux capitaux islamiques.
La ministre française de l'Economie clôturera la réunion par une allocution, selon son entourage.
"Il semble que ce soit l'occasion pour Bercy de démontrer que la volonté politique est intacte, même si le Conseil constitutionnel a censuré l'amendement sur les sukuks", a expliqué à l'AFP Laurence Toxé, associée de Norton Rose, cabinet d'avocats spécialisé qui organise la conférence.
Un article de la loi sur les PME, adoptée en septembre au Parlement, devait permettre l'émission de "sukuks", des obligations conformes à la loi islamique, mais il a été censuré par la Conseil constitutionnel, en raison de son absence de lien avec l'objet du texte.
Fondé sur la "charia", loi islamique, la finance islamique interdit le recours aux intérêts, la spéculation, et les investissements considérés comme impurs (jeu, alcool, armement, pornographie, tabac...).
Elle remplace ainsi le prêt à intérêt par un montage où la banque achète l'actif, puis le revend au client, en étalant les paiements et en les augmentant d'une rémunération correspondant à cette possibilité donnée de payer au fil du temps.
L'adaptation de la législation française fait débat au sein des élus, au nom du principe de la laïcité.
Dès juillet 2008, la ministre de l'Economie avait fait part de son souhait d'adapter l'environnement juridique français pour que les activités de la finance islamique soient "aussi bienvenues à Paris qu’elles le sont à Londres et sur d’autres places". Elle a redit ce souhait à plusieurs reprises depuis.
A sa demande, le Trésor public a publié en février une instruction fiscale, afin d'éviter aux instruments financiers "charia-compatibles" une trop lourde taxation. Deux autres doivent l'être prochainement.
En 2007, l'Autorité des Marchés financiers (AMF) a autorisé la création de fonds d'investissement en accord avec la loi islamique.
Concernant les "sukuks", une réflexion est en cours pour développer "un sukuk satisfaisant pour les charia boards (comités chargés de contrôler la conformité d'un instrument avec la charia, NDLR), et qui ne nécessite pas d'aménagement juridique très complexe", selon Laurence Toxé. Le premier "sak" pourrait être émis en 2010.
La Qatar Islamic Bank a d'ores et déjà déposé auprès de la Banque de France une demande d'agrément pour ouvrir une succursale en France, qui serait la première d'une banque islamique dans l'Hexagone.
L'objectif de la conférence de mardi sera de tenter de montrer, "au delà des idées reçues", "les opportunités concrètes qui peuvent résulter" de la finance islamique, selon les organisateurs.
Son arrivée en France pourrait permettre à certains particuliers ou entreprises de disposer d'instruments d'investissement compatibles avec leurs opinions religieuses, alors qu'aujourd'hui ils s'abstiennent, investissent à l'étranger ou utilisent à contre-coeur des outils financiers habituels.
Elle permettrait aussi à des entreprises ou collectivités de lever des fonds islamiques (grâce aux "sukuks").
Un rapport d'Elyès Jouini et Olivier Pastré a évalué à 100 milliards d'euros les capitaux islamiques qui pourraient ainsi être orientés vers la place de Paris, un chiffre peut-être surestimé selon les experts.