Un ex-employé de la banque HSBC de Genève a bien transmis à la France des données volées concernant plusieurs milliers de contribuables, mais le cheminement complexe suivi par ce fichier le rend, selon Bercy, légal et exploitable par le fisc dans sa lutte contre la fraude.
La révélation mercredi de cette affaire par Le Parisien a suscité des interrogations sur la légalité des moyens auxquels a eu recours le gouvernement pour constituer sa liste de 3.000 contribuables français titulaires de comptes en Suisse ou dans d'autres pays à la fiscalité avantageuse.
Le ministre du Budget, Eric Woerth, a reconnu mercredi soir que l'ancien employé des services informatiques de HSBC Private Bank de Genève était "une source", parmi d'autres, qui avait permis à la France d'établir sa liste, tout en assurant qu'aucune donnée n'avait été monnayée.
Jeudi, l'entourage d'Eric Woerth a affirmé à l'AFP qu'une "partie" des données en possession de Bercy provenait des éléments piratés dans la filiale genevoise de la banque britannique.
Selon une source proche du dossier, c'est en fait "une grosse partie" de cette "liste des 3.000" qui a comme origine le fichier volé, qui concerne lui-même "plusieurs milliers de contribuables"
HSBC, qui a reconnu le vol subi fin 2006 et début 2007, assure de son côté que cette affaire ne porte que sur une dizaine de noms. "Probablement pour ne pas détériorer son image auprès de ses clients qui tiennent au secret bancaire", estime cette source.
Les données ainsi obtenues peuvent-elles être utilisées par l'administration? Oui, assure Bercy, mettant en avant leur cheminement.
Dans un premier temps, l'ancien employé de HSBC a communiqué ses informations piratées à l'administration fiscale, explique-t-on au ministère du Budget, mais cette transmission directe d'un fichier volé rendait son exploitation illégale.
Parallèlement, le même homme a fourni sa liste au parquet de Nice, saisi par les autorités suisses qui enquêtent sur le vol subi par HSBC.
Le procureur de la République de Nice "retransmet" alors officiellement au fisc les données susceptibles de contribuer à la lutte contre la fraude.
Cette procédure judiciaire légalise ces informations qui "sont désormais exploitables comme base pour des contrôles fiscaux", plaide Bercy: "il n'y a donc pas recel de données volées".
Des avocats fiscalistes interrogés par l'AFP partagent cette interprétation. "Certains avocats pourront tenter de contester leur utilisation devant les tribunaux", dit l'un d'eux, "mais jusqu'ici, rien ne permet de dire que c'est illégal".
Un autre estime toutefois que "Bercy n'a pas besoin de se servir de ces données dans un cadre officiel: il lui suffit de mettre subtilement la pression sur les personnes concernées, pour les inciter à régulariser leur situation".
Car la France a ouvert en avril un guichet pour permettre aux détenteurs d'avoirs clandestins à l'étranger de les rapatrier en contrepartie de pénalités moins lourdes. Cette cellule, qui fermera le 31 décembre, a déjà permis de régulariser 1.400 cas, ce qui rapportera à l'Etat, en impôts recouvrés, 500 millions d'euros supplémentaires.
L'affaire HSBC intervient au moment où l'étau se resserre autour du secret bancaire. Le Parlement français examine d'ailleurs de nouvelles mesures renforçant l'arsenal contre la fraude fiscale.