La décision de Google de lancer son propre système d'exploitation pour ordinateurs est une attaque directe contre le géant Microsoft, visé dans son coeur de métier, mais certains spécialistes restent sceptiques sur ses chances de succès.
"Google lâche une bombe atomique sur Microsoft", titrait le site internet TechCrunch.
"Bam, Google vise en plein dans le ventre de Microsoft", titrait de son côté All Things Digital, autre site spécialisé, appartenant au groupe du Wall Street Journal.
En fait, ce n'est qu'une escalade de la guerre entre les deux géants américains de la high-tech, cette annonce intervenant à peine plus d'un mois après que Microsoft affiche de nouvelles ambitions dans la chasse gardée de Google avec son nouveau moteur de recherche Bing.
Et Google, qui depuis plusieurs mois grignote de plus en plus le marché de Microsoft avec ses services en ligne gratuits (messagerie, calendrier, tableurs, traitements de texte et de photos etc.), a certains atouts pour se lancer dans le système d'exploitation, malgré l'implantation de Windows dans quelque 90% des ordinateurs mondiaux.
L'avantage le plus évident est la gratuité : elle rend le système Chrome (qui prend le même nom que le navigateur de Google lancé en septembre) particulièrement attractif pour les amateurs de "netbooks", ces ordinateurs à bas prix qui à eux seuls soutiennent actuellement le marché.
"Si vous achetez un netbook à 300 dollars et que les logiciels coûtent 500 dollars, c'est moyen comme valeur, mais maintenant vous pouvez acheter le netbook à 300 dollars et le système d'exploitation est gratuit", souligne l'analyste Christa Quarles, chez la société de courtage Thomas Weisel Partners.
Et du côté des fabricants: "c'est génial, je peux en vendre plein et ça ne change rien à mes bénéfices", ajoute Mme Quarles.
Google bénéficie également de son expérience dans l'offre de services en ligne, sa spécialité, alors que Microsoft a construit sa puissance "avant les connections rapides et internet, et donc est d'une certaine façon est un anachronisme" dans le contexte actuel, selon Mme Quarles.
Mais beaucoup modèrent leur enthousiasme.
Sur le site d'analyste financière 247WallSt.com, Douglas McIntyre souligne que Google n'est pas le premier à défier Microsoft: cela fait des années que Linux échoue à s'imposer, en dépit de son offre très bon marché et de son code ouvert (comme le sera Chrome).
En outre, la sortie du système d'exploitation Chrome n'est attendue qu'à l'automne 2010 - un an après le nouveau système de Microsoft, Windows 7, un succès critique qui se vend déjà très bien.
Windows 7 "est en tête des listes de best-sellers chez 7 des 12 principaux vendeurs en ligne, et 90% des détaillants en font la promotion sous forme d'actualisation (du système en vigueur Vista) plutôt que dans le cadre de l'achat d'un nouvel ordinateur, ce qui nous conforte dans l'idée que (Windows 7) va être rapidement adopté", écrivaient mercredi des analystes de la Deutsche Bank.
Au cabinet de marketing Gartner, l'analyste Michael Silver soulignait que "ça prendrait longtemps à Google pour prendre une part de marché significative", évoquant une "menace" pour Microsoft à l'horizon de 3 à 5 ans.
"Plus de 70% des applications professionnelles exigent Windows, un chiffre qui ne baisse que lentement, tandis que les consommateurs ont besoin de Windows pour faire marcher leurs jeux et beaucoup d'applications de gestion", souligne M. Silver.
Mais pour Peter Kafka, de All Things Digital, l'important pour Google est d'ouvrir un nouveau front: "Le but principal est de forcer Microsoft à défendre son coeur de métier, ce qui lui rend la tâche plus difficile pour attaquer la puissance de Google dans les recherches".
Aux dernières nouvelles (compilées par l'organisme StatCounter), Bing n'avait conquis que 3,30% de part de marché contre 89,80 pour Google au niveau mondial en juin.
L'action Google gagnait 1,51% à 402,10 dollars vers 17h00 GMT, celle de Microsoft perdait 1,60% à 22,17 dollars.