La commission Rocard-Juppé, chargée de se pencher sur le "grand emprunt" souhaité par le président Nicolas Sarkozy, lui remet aujourd'hui son rapport sur les "investissements d'avenir" qu'il pourrait financer pour doper croissance et compétitivité au moment où la reprise se confirme.
QUESTION: Quel effort financier propose la commission?
REPONSE: Le chef de l'Etat a annoncé en juin qu'un emprunt serait lancé en 2010 pour financer les "priorités stratégiques pour l'avenir", dont il a confié la définition à cette commission.
Partant du constat que la France est en "situation de sous-investissement chronique", les 27 experts vont proposer à la puissance publique de financer des "investissements d'avenir" à hauteur de 35 milliards d'euros. Un montant moins ambitieux que celui évoqué au départ par une partie de la majorité.
Q: Quelles sont les priorités identifiées dans le rapport?
R: L'enseignement supérieur et la recherche se taillent la part du lion, avec 16 milliards d'investissements. Les experts préconisent de mettre l'accent sur les sciences du vivant, les énergies nouvelles, la mobilité du futur et notamment l'aéronautique. Egalement privilégiées: économie numérique, bioéconomie, ville de demain et PME innovantes.
La construction d'infrastructures a en revanche été écartée.
Le rapport devrait citer des pistes d'investissements (dotation des universités en capital via des fondations, abaissement du taux des prêts de la Caisse des Dépôts aux organismes HLM pour la rénovation thermique des logements sociaux, soutien au haut débit...). Sans se prononcer sur des projets précis.
Q: Comment financer ces investissements?
R: C'est le président Sarkozy qui annoncera, a priori début décembre, les secteurs retenus et les contours de l'emprunt. Il tranchera alors le débat entre les tenants d'une opération limitée et ceux d'un effort beaucoup plus conséquent. Mais il a déjà fixé une fourchette de 25 à 50 milliards.
Une partie des investissements sera financée par le recyclage des 13 milliards récemment remboursés à l'Etat par les banques. Au final, l'emprunt ne devrait, lui, porter que sur un peu plus de 20 milliards, si la proposition de la commission est retenue.
Q: Quelles seront les modalités de l'emprunt?
R: Pour lancer un emprunt auprès des particuliers, il faudrait leur proposer un taux d'intérêt alléchant, donc coûteux pour les finances publiques, estime Bercy. L'emprunt sera lancé uniquement sur les marchés et le citoyen lambda ne pourra pas y souscrire.
Q: Comment contrôler l'efficacité de l'emprunt?
R: La commission va proposer une "gouvernance" pour que l'argent soit bien dépensé. Les experts souhaitent que les projets soient mis en concurrence et pourraient recommander la création d'agences indépendantes pour les sélectionner et suivre leur exécution.
Q: La France peut-elle se permettre de telles dépenses?
R: La dette publique devrait atteindre l'an prochain un niveau record (84% du produit intérieur brut), sans même compter l'emprunt, qui, d'après l'agence Moody's, va jeter une ombre sur la très bonne note dont bénéficie actuellement la France comme emprunteur. La Commission européenne a demandé à Paris de faire redescendre son déficit public de 8,2% du PIB cette année à moins de 3% en 2013. Le gouvernement demande un an supplémentaire.
L'emprunt sera donc scruté à la loupe à Bruxelles. La Commission pourrait toutefois être rassurée par un "grand emprunt" qui s'annonce finalement modéré.
Bercy plaide pour des modalités d'investissement (prêts participatifs, prises de participation...) susceptibles de ne pas être comptabilisées dans le déficit.