La grève dans les raffineries et les terminaux pétroliers français, conjuguée au blocage qui s'étend des dépôts de carburants, accroît la menace de pénurie, accélérée par la ruée sur les pompes à essence des automobilistes inquiets.
+ D'où vient le risque de pénurie?
Le conflit social contre la réforme des retraites frappe désormais 10 des 12 raffineries françaises, réduisant la production de carburant à la portion congrue.
La situation est aggravée par la poursuite de la grève des terminaux pétroliers de Fos-Lavéra (Bouches-du-Rhône), qui prive six raffineries d'approvisionnement en pétrole brut depuis 18 jours, et par le déclenchement d'un troisième mouvement depuis mardi sur le terminal du Havre.
Selon Alexandre de Benoist, délégué général de l'Union des importateurs indépendants pétroliers (UIP), les industriels disposent de "stocks abondants", répartis en 213 dépôts de carburants, qui peuvent alimenter les stations-service pendant "environ huit jours".
Mais un nouvel enjeu se greffe avec le blocage des plus importants dépôts par des manifestants, comme à Fos (Bouches-du-Rhône), Bassens (Gironde), au Havre (Seine-Maritime), à Donges (Loire-Atlantique) ou Saint-Baussant (Meurthe-et-Moselle).
+ Combien de temps reste-t-il avant une pénurie de carburants?
"Il n'y aura pas de pénurie d'essence à la pompe", a assuré jeudi le secrétaire d'Etat aux Transports Dominique Bussereau. "Nous avons ce qu'il faut pour au moins un mois", a-t-il ajouté, tout en appelant les automobilistes à ne pas se ruer vers les stations-service.
"Dès ce week-end, du monde va faire le plein et lundi matin les stations auront vidé leurs citernes, la pénurie pourrait apparaître ça et là", a mis en garde Christian Votte, de la CGT de Total.
Selon M. de Benoist, qui représente les enseignes de la grande distribution (Carrefour, Casino, Cora et Auchan), "de plus en plus" de stations sont déjà "en rupture d'approvisionnement".
L'Union française des industries pétrolières (Ufip), qui représente les raffineurs, a prévenu depuis plusieurs semaines que la situation deviendrait critique autour du mercredi 20 octobre.
+ Le gouvernement peut-il avoir recours aux stocks stratégiques?
Le secrétariat d'Etat aux Transports a annoncé jeudi aux transporteurs routiers une série de mesures pour pallier le risque d'une pénurie de carburants, qui inclut l'utilisation de "stocks de réserve", selon la principale organisation du secteur, la FNTR (Fédération nationale des transports routiers).
Le délégué général adjoint de la FNTR, Nicolas Paulissen, a précisé à l'AFP qu'il s'agissait d'un feu vert à "l'utilisation des stocks de réserve et non pas des stocks dit stratégiques".
"Les stocks de réserve représentent 11 jours de consommation, ce qui permettra aussi de diminuer les tensions sur le marché", a-t-il indiqué.
Les stocks stratégiques de pétrole sont constitués afin de faire face à une rupture d'approvisionnement lié à un événement international. Ils ont été utilisés pour la dernière fois en 2005, à la suite des dégâts causés sur les installations pétrolières par les ouragans Katrina et Rita.
La France dispose de 17 millions de tonnes de pétrole brut et de produits pétroliers dans ses stocks stratégiques, représentant 98,5 jours de consommation.
+ Quels autres moyens pour empêcher une pénurie au niveau national?
Le gouvernement appelle d'abord les automobilistes à ne pas se précipiter vers les stations-service. "Je dis aux automobilistes: +n'allez pas remplir votre réservoir, ou remplir des stocks d'essence, vous n'en avez pas besoin+", a lancé M. Bussereau.
La consommation d'essence a en effet augmenté cette semaine de 50% en raison de la ruée des automobilistes à la pompe, selon le secrétaire d'Etat.
Dans certains supermarchés, on remarque même un "doublement de la consommation par rapport à l'an dernier", selon M. de Benoist.
Autre recours: les importations. "On renforce les livraisons en provenance d'Espagne, on approvisionne Strasbourg par des barges sur le Rhin", énumère le responsable de l'UIP.
En temps normal, la France importe 40% de sa consommation de gazole, carburant le plus utilisé en France (75% de la consommation).