Le démantèlement de la banque franco-belge Dexia, première victime de la crise de la dette en Europe, a franchi mardi soir une première étape avec l'annonce de la création d'une "bad bank" appelée à reprendre ses actifs toxiques pour permettre aux autres activités de survivre.
Au bord de l'asphyxie trois ans après avoir échappé à la faillite grâce à l'aide des pouvoirs publics, elle n'a pu échapper à une scission.
Le Premier ministre belge, Yves Leterme, a annoncé en fin de soirée que son gouvernement avait approuvé la création d'une structure de défaisance pour séparer les "actifs du passé" qui pèsent sur l'activité de Dexia, spécialisée dans les prêts aux collectivités locales.
Concrètement, l'objectif est d'isoler hors de son périmètre un portefeuille de 95 milliards d'euros d'actifs à risque dont le groupe cherche à se délester depuis des années.
Cette structure reprendrait également des "emprunts à très long terme qui ont été réalisés avec des autorités locales", a précisé le ministre belge des Finances, Didier Reynders.
Les deux responsables belges assurent que Paris a également donné son accord à la création de cette "bad bank" et que les deux Etats accorderont "le cas échéant" leurs garanties aux actifs problématiques regroupés au sein de la nouvelle structure.
Il s'agit d'actifs "qu'il faut tenir sur une longue période, ce que seul l'Etat est sans doute capable de faire", dit M. Reynders, en jugeant que le terme de "bad bank" n'était pas réellement approprié.
La Caisse française des dépôts (CDC, bras financier de l'Etat) et la Banque Postale (établissement public) pourraient jouer un rôle dans la création de cette structure pour la partie prêts aux collectivités, a appris l'AFP dans l'entourage de la CDC, mais les deux ministres belges n'ont évoqué cet aspect du dossier.
Si le groupe bi-national va donc probablement bientôt cesser d'exister, la Belgique et la France vont agir chacune de leur côté pour "consolider" et "renforcer" l'activité de Dexia dans les deux pays, ont souligné Yves Leterme et Didier Reynders.
"Tout cela va se décliner dans toute une série de négociations, de contacts, mais les engagements sont très clairs et ils sont pris tant par les autorités françaises que belges", a souligné M. Reynders. Il a estimé que l'issue de ces pourparlers serait "assez rapide".
Co-actionnaires, la France et la Belgique étaient déjà montées au créneau toute la journée pour tenter d'enrayer la panique, en assurant qu'elles garantiraient avec leurs banques centrales les dépôts et le financement du groupe.
Le scénario a toutefois affolé les investisseurs et fait plonger mardi l'action du groupe, qui a fini la séance en chute libre de 22,46%, à 1,01 euro.
Après six heures d'un conseil d'administration marathon, Dexia avait ouvert la voie, dans un communiqué sibyllin publié dans la nuit de lundi à mardi, à de nouvelles cessions et alliances pour résoudre ses "problèmes structurels".
Le groupe, né de la fusion en 1996 du Crédit Communal de Belgique et du Crédit Local de France, présentait dès l'origine un profil déséquilibré. En Belgique, Dexia peut s'appuyer sur réseau d'environ 850 agences, alors qu'elle est absente de la banque de détail en France.
Il devait donc lever des capitaux auprès d'autres institutions financières --une source pratiquement tarie en raison de la crise de la dette-- et compter sur l'apport des fonds collectés principalement auprès des épargnants en Belgique, ce qui s'est avéré insuffisant.
"C'est la fin d'une route (...) Les salariés sont inquiets", a résumé Pascal Cardineaud, un représentant du syndicat français CFDT au comité d'entreprise européen de Dexia.