Les Européens ont conclu lundi un accord pour négocier un troisième plan d'aide à la Grèce, au prix de très lourds sacrifices pour le pays, prélude à de longues tractations durant lesquelles la zone euro devra gérer l'urgence et maintenir sous perfusion une économie exsangue.
"Le Grexit a disparu", a déclaré à l'AFP le président de la Commission européenne, Jean-Claude Juncker, à l'annonce de cet accord arraché de haute lutte, après 17 heures de négociations marathon, les chefs d'Etat et de gouvernement des 19 pays de la zone euro ayant dû surmonter de profondes divisions dans leurs rangs et renouer un dialogue brisé avec Athènes.
Le Premier ministre Alexis Tsipras réclamait un accord in extremis pour sauver les banques grecques, à cours de liquidités, et éviter un effondrement financier du pays. Lundi, il a salué un "accord difficile", mais qui pour lui garantit la "relance" de l'économie.
Dans l'urgence, la zone euro, dont les ministres des Finances se réunissent une nouvelle fois lundi à Bruxelles, va devoir trouver les moyens d'assurer un "pont" pour financer le pays à court terme, jusqu'au déblocage des fonds.
Au total, le plan de sauvetage, le troisième pour la Grèce depuis 2010, est chiffré entre 82 et 86 milliards d'euros.
Le pays ne survit pour le moment que grâce aux liquidités injectées par la Banque centrale européenne, qui attendait un signal politique de Bruxelles pour décider lundi de maintenir ou non cette aide d'urgence.
- Accord 'laborieux' -
Devant la presse, Jean-Claude Juncker a reconnu que l'accord avait été "laborieux", espérant que des négociations pourraient s'ouvrir "en fin de semaine" afin de le concrétiser.
D'ici là, le Parlement grec aura dû voter, probablement mardi ou mercredi, les réformes, sévères et très impopulaires, réclamées par les créanciers en échange de ce sauvetage, portant notamment sur une hausse de la TVA, une réforme des retraites, des privatisations et de l'office des statistiques.
Les parlements de plusieurs pays, dont le Bundestag allemand, devront eux aussi se prononcer dans la semaine. "Quand ils auront fait cela, nous aurons alors une décision plus formelle" pour démarrer les négociations, a précisé lundi le président de l'Eurogroupe, Jeroen Dijsselbloem.
Mais si une étape majeure a été franchie après six mois de négociations tumultueuses entre le gouvernement de gauche radicale d'Alexis Tsipras et ses partenaires européens, beaucoup reste à faire pour relancer l'économie grecque.
La chancelière Angela Merkel, inflexible vis-à-vis d'Athènes tout au long des discussions, a prévenu que le chemin serait "long" et "difficile" pour que la Grèce renoue avec la croissance.
Le président français François Hollande, dont le pays était l'un des plus souples, a salué le choix "courageux" d'Alexis Tsipras.
Toute la nuit, les chefs d'Etat et de gouvernement avaient poursuivi leurs tractations pour tenter de boucler un compromis permettant de maintenir la Grèce dans l'euro.
A l'aube, un accord s'était dessiné, soumis aux 19 dirigeants, sur la liste des exigences réclamées à Athènes.
Mais pas suffisant pour que le gouvernement grec cède, alors que des milliers de tweets l'appelaient, sous le hashtag "Thisisacoup" (C'est un coup d'Etat), à résister aux diktats des créanciers du pays.
Principal point de blocage, la Grèce rejetait l'idée de créer, hors du pays, un fonds regroupant des actifs grecs à hauteur de 50 milliards d'euros pour garantir les privatisations promises. Alexis Tsipras a finalement cédé, mais il a obtenu que ce fonds soit installé à Athènes.
En fin de nuit, le sort de la Grèce s'est finalement joué à quatre, entre Angela Merkel, François Hollande, le président du Conseil européen Donald Tusk et Alexis Tsipras.
- Pas de Grexit temporaire -
Le texte final ne prévoit pas de sortie temporaire de la Grèce de la monnaie unique, comme évoqué noir sur blanc dimanche dans un projet des ministres des Finances de la zone euro qui avait relancé l'hypothèse du Grexit, redouté par l'ensemble des dirigeants européens.
Mais le gouvernement Tsipras aura maintenant fort à faire pour amadouer son opinion publique, à laquelle il avait promis de rompre avec l'austérité et les diktats des bailleurs de fonds.
Or les réformes à présent réclamées par les créanciers de la Grèce sont encore plus sévères que celles qui ont été rejetées massivement par 61% des électeurs lors du référendum du 5 juillet.
Pour se garder une marge de manoeuvre, le Premier ministre a dû se rapprocher de l'opposition, au prix de dissensions internes à son parti Syriza, ce qui laisse craindre une nouvelle crise politique.
"Avec un pistolet sur la tempe, toi aussi tu serais d'accord", a lâché, pour justifier les concessions, une source gouvernementale grecque.
Les heures étaient de fait comptées pour la Grèce, soumise à un contrôle des capitaux et dont les banques sont fermées depuis le 29 juin.
Sur le front européen, le chef du gouvernement grec a dû tout mettre en oeuvre pour rebâtir la confiance qui s'est brisée envers Athènes.
Les discussions sur le sort de la Grèce ont aussi mis à rude épreuve le reste de la zone euro, en particulier le couple franco-allemand.
Alors que François Hollande assurait vouloir "tout faire" pour garder la Grèce dans l'euro, pour la chancelière allemande Angela Merkel, il n'était pas question au contraire d'un accord "à n'importe quel prix".