La Banque centrale européenne (BCE) a suggéré jeudi une reprise de la croissance en zone euro plus précoce qu'envisagé jusqu'à présent, semblant enterrer une fois pour toute l'hypothèse d'une nouvelle réduction des taux directeurs.
Depuis mai, date de la dernière baisse, le président Jean-Claude Trichet répète que le conseil des gouverneurs n'a pas décidé si le principal taux directeur a, avec 1%, atteint son plus bas niveau.
Jeudi, "la question n'a pas été discutée", a-t-il déclaré, comme si elle était entendue. Les gardiens de l'euro avaient fait savoir plus tôt leur décision de maintenir les taux inchangés à l'issue de leur dernière réunion avant la pause estivale.
Alors que la Banque d'Angleterre a annoncé jeudi une extension de son programme d'achat d'actifs, augmenté de 50 milliards à 175 milliards de livres, pour stimuler l'économie, le Français a déclaré qu'il n'était "pas dans (leur) intention de faire plus pour le moment".
La BCE a engagé un programme d'achat d'obligations sécurisées, d'un volume global de 60 milliards d'euros, et abreuve généreusement les banques de liquidités pour les inciter à prêter davantage.
Jean-Claude Trichet s'est globalement montré plus confiant pour la conjoncture. Le retour à des taux de croissance trimestriels positifs aura toujours bien lieu l'an prochain, mais peut-être plus tôt qu'envisagé jusqu'à présent, soit la mi-2010, a-t-il laissé entendre.
"Nous n'excluons pas d'avoir pour l'an prochain un profil qui sera un peu différent", a-t-il concédé, donnant rendez-vous pour plus de détails début septembre, quand la BCE annoncera ses nouvelles prévisions économiques.
"Les récentes données (...) suggèrent toujours que l'activité économique va rester faible sur le reste de l'année, mais la vitesse de la contraction ralentit clairement", a-t-il souligné.
Quand aux craintes de déflation -cette spirale à la baisse des prix destructrice pour l'économie-, il ne semble pas les partager, contrairement au Fonds monétaire international.
La baisse de 0,6% des prix en juillet a été "anticipée". Elle est liée essentiellement à un effet de base après la flambée des prix des matières premières à l'été 2008. Le recul des prix est "temporaire", a-t-il martelé.
Même si le président de la BCE a mis en garde contre une sur-interprétation de ses propos et contre les risques qui continuent de peser sur la croissance -notamment la montée en cours du chômage-, ces déclarations vont sans doute lancer les spéculations sur les marchés concernant une hausse de taux rapide, peut-être dès cette année, estiment des économistes.
D'autant plus qu'interrogé sur la stratégie de sortie de crise, il a souligné que la BCE ne suivrait pas un ordre pré-établi, à savoir retirer d'abord les liquidités en surabondance du marché, puis remonter les taux directeurs. Les deux peuvent aussi être réalisés simultanément, a-t-il dit.
Le rebond des commandes industrielles en Allemagne, confirmé jeudi par la forte progression de 4,5% sur un an en juin, laisse entrevoir un rétablissement de l'économie dès le troisième trimestre, et pas seulement dans la première économie européenne, estime Joerg Krämer, économiste à la Commerzbank.
La BCE "pourrait être surprise par des statistiques économiques solides dans les mois à venir", indique-t-il.
Mais une remontée des taux directeur paraît improbable dès cette année, selon des économistes, qui continuent à miser sur la deuxième moitié de 2010.
Le timing sera de toute façon délicat. Si la BCE resserre trop tôt ses taux directeurs, elle prend le risque d'étrangler la reprise. Mais si elle agit trop tard, ce sont les dangers d'inflation qui menacent, étant donné la masse des liquidités injectées sur les marchés.