Après avoir joué son va-tout contre la crise le mois dernier, la Banque centrale européenne (BCE) va garder son principal taux d'intérêt inchangé jeudi et rester avare de détails sur son nouveau programme de rachat de dette, estiment des analystes.
Comme deux fois par an, la réunion du conseil des gouverneurs se tient hors du siège de Francfort, cette fois en Slovénie, dans le château de Brdo à proximité de la capitale Ljubljana.
"Si une baisse de taux pourrait facilement se justifier au regard de perspectives économiques sombres, nous pensons que la BCE n'est pas encore encline à tirer sa dernière balle", estime Carsten Brzeski, économiste d'ING.
Le président de l'institution monétaire Mario Draghi n'avait pourtant pas exclu une telle éventualité début septembre.
Mais depuis, certains de ses collaborateurs ont rétropédalé. "Il n'est absolument pas évident qu'une nouvelle baisse de taux soit nécessaire", a fait savoir Benoît Coeuré, membre du directoire de la BCE, relayé ensuite par le patron de la Banque centrale autrichienne, Ewald Novotny.
La persistance d'une inflation élevée, tirée par les prix de l'énergie et des matières premières, n'est pas étrangère à ce revirement. En septembre, les prix ont augmenté de 2,7% sur un an en zone euro, soit bien au-dessus de l'objectif de moyen terme de la BCE de la contenir légèrement sous les 2%.
Avec un niveau de chômage au plus haut dans la région, une confiance des consommateurs et des entreprises en berne, le risque d'un emballement des prix, tiré par des taux bas, est toutefois improbable à ce stade, selon les analystes.
Cédric Thellier, économiste de Natixis, s'attend d'ailleurs à ce que M. Draghi laisse la porte ouverte à une prochaine baisse de ce taux, fixé depuis juillet à 0,75%, soit son plus bas niveau historique.
Selon lui, elle pourrait intervenir "en décembre en parallèle avec la révision à la baisse des prévisions de croissance (de la BCE) pour 2013 et une première estimation pour 2014 qui devrait s'avérer morose".
M. Draghi ne va sans doute pas davantage annoncer de nouvelles mesures anti-crise lors de sa conférence de presse mensuelle, prévue à 12H30 GMT, un mois après avoir présenté un nouveau programme de rachat de dette des Etats de la zone euro en difficulté, baptisé programme OMT.
Adopté face à la défiance affichée des investisseurs envers la zone euro, et en particulier l'Espagne et l'Italie, dont les taux d'emprunt ont grimpé cet été à des niveaux jugés insoutenables, il n'a toujours pas été enclenché.
Pour en bénéficier, les Etats sont contraints de faire appel à l'aide des fonds de secours européens, et donc se soumettre à un programme de réformes, comme la Grèce, l'Irlande et le Portugal.
Or Madrid, pressenti pour inaugurer ce nouveau programme, après avoir déjà bénéficié d'une aide pour ses banques, rechigne à en arriver à cette extrémité malgré les appels du pied de Paris et Bruxelles, entre autres.
Berlin, en revanche, ne voit pas la nécessité d'un plan d'aide pour le moment, soulignant que les taux espagnols se sont détendus depuis l'annonce de l'OMT.
"Si lors de la conférence de presse beaucoup de questions devraient tourner autour du niveau de taux que la BCE considère approprié pour l'Espagne et d'autres pays en crise, nous attendons peu d'informations de ce côté", pronostique Christian Schulz de la banque Berenberg.
Pour les analystes de Capital Economics, M. Draghi devrait aussi rester muet sur le type de conditions qu'il souhaite voir imposer à un pays pour déclencher l'OMT.
Le responsable monétaire a déjà signifié que ces conditions étaient du ressort des responsables politiques européens et du Fonds monétaire international, bailleurs de fonds, rappelle Michael Schubert, de Commerzbank.
La BCE, elle, a fait ce qui était en son pouvoir pour ramener la confiance des investisseurs, a laissé entendre ces dernières semaines M. Draghi, appelant une nouvelle fois les dirigeants européens à faire le nécessaire pour que cela dure.