Les banques suisses vont devoir expérimenter de nouveaux modèles économiques, faute de pouvoir compter à l'avenir sur un secret bancaire désormais largement ébréché pour attirer une clientèle internationale, ont averti des spécialistes du secteur lors d'un séminaire.
"Il n'y a plus de secret bancaire en Suisse. C'est fini, c'est terminé", martèle Osmond Plummer, conseiller international en gestion de fortune, en réaction à la récompense faramineuse accordée cette semaine par le fisc américain à un ancien banquier d'UBS qui a dénoncé des clients fraudeurs.
La place financière suisse a longtemps profité de son secret bancaire, qui l'a dispensé jusqu'ici de faire les efforts d'adaptation nécessaire.
"Les banques se sont contentées d'encaisser de substantielles commissions pour leurs services, et n'étaient pas très performantes", a relevé un participant de ce séminaire tenu mercredi à Genève.
"Le client ne gagnait pas d'argent, seule la banque en gagnait sur le dos du client", pour qui l'important était que l'argent échappe à l'impôt dans son pays, a encore indiqué M. Plummer, qui réclame un nouveau mode de fonctionnement des banques suisses, "concentré sur l'excellence".
Pour François Reyl, directeur général de Reyl & Co, un groupe bancaire suisse créé en 1973, "il est temps que les sociétés suisses de gestion de fortune changent, et s'ouvrent à de nouvelles cultures".
Selon lui, les banquiers et gestionnaires de fortune suisses sont désormais confrontés à un nouveau défi: celui "de la gestion des fonds américains déclarés" auprès du fisc. "Nous sommes devant une page blanche, c'est une grande opportunité pour un nouveau départ", a-t-il déclaré.
"La Suisse va devoir apprendre rapidement", a-t-il ajouté, après avoir indiqué que la tempête déclenchée par les Américains contre le secret bancaire suisse, avait "tout emporté sur son passage".
les banques vont devoir faire preuve de plus de transparence
Désormais, les banques suisses devront s'attacher à assurer un meilleur service à leurs clients. "Il y a des gestionnaires de fortune ou des banques en Suisse qui ont perdu des clients, simplement parce qu'ils ne répondaient pas à leurs coups de fil", a indiqué M. Plummer, pour qui le mot "formation continue" en Suisse reste encore un concept abstrait dans le monde bancaire.
Les banques suisses doivent aussi faire preuve de davantage de transparence dans le prix de leurs services.
"Le client veut savoir combien il paye, il faut mettre un terme aux commissions cachées dans des fonds, ou des fonds de fonds, beaucoup de gens préfèrent la solution des +family office+, des sociétés de gestion de fortune familiales pour économiser l'argent des commissions", a indiqué M. Plummer.
Pour le quotidien suisse Le Temps, qui commentait la prime de 104 millions de dollars versée à l'ancien banquier Bradley Birkenfeld pour avoir dénoncé ses anciens clients, le "passage à la transparence fiscale pour l'ensemble de la place financière suisse n'est pas une option, mais une nécessité".
Onze banques suisses, soupçonnées d'avoir aidé activement des fraudeurs du fisc américain, sont dans le collimateur de Washington. "Ces onze banques n'ont d'autre choix que de payer et de demander pardon, vite", indique Le Temps.
Face aux critiques tous azimuts concernant l'argent de la fraude fiscale géré par ses banques, la Suisse a élaboré un modèle d'accord bilatéral de régularisation de ces fonds, appelé Rubik et qui garantit l'anonymat des détenteurs des fonds.
La Suisse a déjà signé des accords Rubik avec la Grande-Bretagne, l'Autriche et l'Allemagne, où sa ratification est très contestée par les milieux politiques socio-démocrates et les Verts.